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Sceptique
5 décembre 2012

LES DÉSERTS MÉDICAUX, VÉRITÉ ET ERREURS.

C'est une vérité mesurable dans la France rurale. Le nombre de praticiens de médecine générale, mais aussi de chirurgiens dentistes, diminue. Ceux qui prennent leur retraite ne trouvent pas de successeurs, ne sont pas remplacés. Le phénomène a commencé il y a près de vingt ans, bien sûr, insidieusement. Au fil des années, il devient visible,et préoccupant. Grâce à la disponibilité des services d'urgences, à la mobilité des patients, aucun manque de soins n'est à déplorer. Mais imaginons des désordres, ou des conditions climatiques, réduisant la mobilité, par l'état des routes, ou le manque de carburant, les soins indispensables seraient compromis.

Le principal facteur de cette situation est la politique malthusienne, sur ce point particulier, des gouvernements, entre 1980 et 2000. Les médecins étant les ordonnateurs des dépenses de santé, la réduction de leur nombre entrainerait "ipso facto" celle des dépenses de santé. Le "numerus clausus" des facultés de médecine fut réduit, et les formations de spécialistes réservées aux internes des hôpitaux universitaires. Le "Tout Généraliste" plaisait aux politiques, les spécialistes étaient tenus pour responsables du "nomadisme" médical.

Mais ce n'est plus le seul: la composition du nouveau corps médical a changé. Il s'est féminisé, et les femmes veulent toujours un partage équitable entre leur vie professionnelle et leur vie de famille. De leur côté, les jeunes hommes ne veulent plus de la pratique dévorante acceptée par leurs ainés, tirant gloire de leurs 50 à 70 heures de travail hebdomadaire, parfois plus. Ils préfèrent, le plus longtemps possible, les remplacements, qui leur assurent un revenu, mais leur épargnent la gestion d'un cabinet et ses tracasseries administratives. Ce n'est qu'au bout de plusieurs années qu'ils se résignent à stabiliser leur pratique.

Les responsables politiques se préoccupent à bon droit de la situation....potentielle. "On" leur met les chiffres sous le nez, "Ils" réagissent. La tentation autoritaire se présente en premier. Mais si on peut toujours interdire de faire, il est devenu délicat de contraindre à faire. Les élus locaux, sur ce point particulier, font pression sur le législateur et l'exécutif. Ce dernier réalise vite l'incongruité de toute contrainte exercée sur une catégorie qui n'est ni fonctionnaire, ni militaire.

C'est pourquoi la mesure proposée par Madame Marisol Touraine, consistant à assurer un revenu minimum aux jeunes praticiens s'installant dans un "désert médical" répertorié, a été bien accueillie par les politiques modérés et les futurs médecins. Les médecins praticiens qui ont réagi ont souligné que le facteur argent n'était pas forcément le principal. 

Les modalités de la mesure proposée n'ont pas été détaillées. C'est la caisse locale de l'Assurance Maladie qui assurera le minimum de 4.600 euros mensuels, ce qui serait insuffisant pour une activité "normale", eu égard aux charges sociales et fiscales d'un praticien, dès la deuxième années d'exercice. Comment ce complément serait-il versé? Dès l'installation? Au vu des recettes en fin d'année? Sera-t-il avancé chaque mois, ou réglé en fin d'exercice annuel, en un versement unique?

Dans le billet que j'ai consacré à ce problème en 2009, je préconisais une mesure semblable, un contrat de deux ans, pouvant être prolongé d'un an, assurant immédiatement un salaire de 2000 euros mensuels nets, cumulable avec le paiement à l'acte de l'activité. La montée de cette dernière, vers le niveau courant d'une trentaine d'actes par jours, aboutirait à une tranche d'imposition qui inciterait le praticien à ne pas demander la prolongation du contrat. Mais les deux ans passés et la clientèle constituée consolideraient l'installation du médecin. C'est ce qui a manqué aux médecins étrangers incités à s'installer, et ne voyant personne pendant des semaines ou des mois. Car les clients potentiels avaient pris l'habitude de consulter d'autres médecins.

Une autre mesure, nécessitant une réforme juridique de l'exercice médical, serait la création d'un statut d'assistant, contractuel, salarié avec une part fixe et une part variable, déterminée par l'activité. L'assistant, docteur en médecine, pourrait devenir un associé à l'échéance du contrat. L'intégration se faisant en deux étapes, la première permettrait "l'acculturation" à l'exercice libéral.

Même à la campagne, les gardes et les astreintes ne sont pas toujours acceptées par les praticiens généralistes. Elles sont dévolues au service public, et semblent consister, à la suite de l'appel du 15, à aller chercher le malade à son domicile et à le transporter aux urgences de l'hôpital local. La rigidité, et le coût probable de ce système justifieraient le soutien à des équipes d'urgentistes du type SOS-Médecins, actuellement cantonées dans les villes importantes.

La pratique de la médecine générale ne comporte plus aucune possiblité de promotion interne ou de sortie. C'est pourquoi les étudiants s'efforcent par tous les moyens de ne pas s'y laisser enfermer. Il y a, de fait, une sélection par l'échec relatif, le classement à l'internat qualifiant en fin d'études. C'est une injustice au regard des autres études, et la possibilité d'entreprendre des études de spécialité  dès qu'une période "sabbatique" est financièrement possible, encouragerait quelques vocations supplémentaires. La réouverture de CES devrait être envisagée, en particulier pour les spécialités à démographie déficitaire. Elles sont toutes destinées à le devenir.

Je terminerai par une précaution: que la définition de "désert médical" ne soit pas donnée par les parties prenantes, les maires des communes, mais par des enquêtes indépendantes, évaluant la gêne réelle des populations, la surcharge des praticiens en exercice "dans" le désert .

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