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Sceptique
5 janvier 2013

NOTRE MONDE EST-IL EN MANQUE D'UNE THÉORIE?

C'est ce que me parait vouloir dire Edgar Morin dans son article du "Monde" du 2 Janvier 2013. Au constat qu'il fait d'un vide de la pensée politique en Europe et dans le monde, il répond par la proposition d'un autre mode de fonctionnement des sociétés, caractérisé par un retour à la solidarité, spontanée, naturelle, prêtée au bon-vieux-temps, mais cette fois-ci, organisée, obligatoire, sous forme de service civique et de "maisons de la solidarité". L'éducation, adaptée, conditionnerait la jeunesse à ces nouveaux devoirs, en privilégiant la formation politique aux dépens des connaissances flattant l'individu, et futiles.

C'est drôle, ça me rappelle quelque chose, qui a marché, par force, mais qui ne marche plus.

On pourra s'étonner qu'un penseur examine le monde à partir de l'Europe, mais il y a une réalité: les théories universalistes sont parties d'Europe ou de ses zones "filles", comme l'Amérique du Nord. Je me rappelais cette évidence en méditant sur ce phénomène annuel qu'est le Nouvel An, rassemblant les foules enthousiastes et éblouies...par les feux d'artifice, à minuit pile, dans la nuit du 31 Décembre au 1er Janvier, tout autour de la Terre, de la Nouvelle-Zélande à la côte Ouest des États-Unis. Notre calendrier, notre découpage horaire, sont devenus universels. Qu'un penseur européen s'occupe de la société japonaise ou chinoise* n'est ni étonnant, ni scandaleux....en Europe.

Dans cette zone limitée formée par le proche orient asiatique et la Grèce, se sont formées d'abord les philosophies humanistes et les religions monothéistes, universalistes par définition. Les premières ne doivent leur mondialisation qu'à leur évidence, les secondes doivent davantage au sabre ou au canon.

La révolution industrielle a eu besoin de transformer Harpagon en capitaliste, et le capitalisme, en créant la classe ouvrière, s'est fabriqué les verges pour se faire battre. Parmi les modes d'emploi des verges, le marxisme a connu des décennies de gloire, avant d'être disqualifié par les malheurs qu'il semait partout. Finalement, dans le monde d'aujourd'hui, le fonctionnement de l'économie est assuré par un capitalisme sous surveillance. Son intensité détermine le résultat final. Mais sans aboutir à un accord sur le degré de surveillance. Qui doit s'en remettre aux politiques, divisés en libéraux et en anti-libéraux.

La seule théorie nouvelle, apparue, comme les précédentes, en Europe (élargie), c'est l'écologisme. C'est une idée qui embrasse l'ensemble du fonctionnement de l'humanité, politique, économique, et social, tant il est vrai que tout se tient. Le coeur de cette idée, c'est que l'humanité va à sa perte en détruisant le monde sur lequel elle vit et prolifère. Sa logique se résume à l'inverse de ce qu'ont réalisé ou préconisé le capitalisme et le communisme (application du marxisme). À leur "toujours plus", l'écologisme oppose un "toujours moins" salutaire. Prenez une par une les valeurs de la société capitaliste (liberté....d'entreprendre, et de jouir de son gain) ou "socialiste" (subordination des besoins et désirs individuels à ceux de la collectivité, mais productivisme au profit d'icelle), l'écologisme est contre.

Sans trop le dire, Edgar Morin s'aligne sur cette nouvelle pensée, qui remet, d'une autre manière, dans une autre intention, le collectif au dessus de l'individuel, qui a pris ses aises dans le contexte libéral et démocratique. 

Or, il me parait évident que le socialisme s'est cassé les dents sur l'invariant humain que constituent l'instinct de survie et la préférence pour soi et pour sa famille, au détriment des demandes de la collectivité. L'écologisme exige le même préalable: l'individu se doit de se faire passer après la collectivité. Il doit en finir avec ses désirs, avec sa jouissance. L'écologisme est une ascèse. Sa réussite est au prix de la liberté individuelle, de la satisfaction des désirs. Contre la résistance attendue des égoismes, la théorie ne peut que ruminer des coercitions.

Son succès d'estime doit beaucoup à la liberté et à l'abondance qui sont encore le lot des peuples occidentaux. La méfiance qu'il suscite, pour les mêmes raisons, limite son poids politique. L'entrisme est, pour le moment, sa seule solution.

Nous en sommes là, pour encore un moment. Le désir d'abondance n'a pas encore renoncé à son retour par ses moyens connus que sont la croissance et le plein emploi, l'argent gagné, et l'abondance de l'offre. Il n'est pas d'activité en difficulté qui ne rêve de rendre obligatoire l'acquisition de ses produits, ou l'utilisation de ses services. Il se façonne des égoïsmes collectifs, catégoriels.

Pour le moment, l'humanité ne semble pas prête à renoncer au "toujours plus", n'accepte, temporairement, que le "au moins, autant". Elle rejette les prophéties catastrophistes qui ne lui sont pas mesurées. "J'y pense, et puis, j'oublie".

Ce qui me suggère que le désir humain est un fait de nature, que l'économie capitaliste n'encourt que le reproche de ne pouvoir le satisfaire de manière égale, que l'économie socialiste s'est disqualifiée en ne le satisfaisant pas, et, enfin, que l'écologisme aura fort à faire pour l'extirper, s'il a, un jour, les moyens de le tenter.

Sceptique

*J'avais d'abord choisi la Nouvelle-Zélande, en raison de sa position aux antipodes, mais sa société est une "fille"  de l'occidentale.

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Commentaires
S
À lire, dans le Figaro d'aujourd'hui, un reportage sur les passeurs de cocaïne entre le Pérou et l'Europe: un nombre notable d'européens d'âge divers, poussés par la misère induite par la crise. Leur honnêteté flanche, face à ses assauts.
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S
Tout à fait. Edgar Morin parle, au sujet de l'individu de "double logique", celle d'un "moi d'abord", suivi d'un "nous d'abord", limité au premier cercle familial, restitution de l'amour reçu par le nourrisson. Il ne prend en compte que l'expression psychologique, négligeant l'enracinement corporel. C'est à ce niveau que je situe l'invariant humain, universel, limite à toute manipulation.
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P
Texte à méditer... On oublie trop souvent que l'être humain est aussi un animal, doué de raison dit-on, mais peu de sagesse.
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Sceptique
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