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Sceptique
16 mai 2009

Médecines: la tentation étatique?

LA médecine, en ses trois parties, générale, spécialisée, hospitalière, est LE casse-tête de tous les politiques, de toutes les politiques. Pendant des siècles, elle fut une activité marginale, empirique, sans fondement scientifique, sans réelle efficacité. La chirurgie pratiquée par les barbiers rendait davantage de services, très occasionnels, aux sociétés humaines. Le savoir des quelques grands noms qui jalonnent l'histoire de la médecine n'atteignait pas le petit peuple. La séparation de la pensée scientifique des autres savoirs a entraîné la médecine avec elle, la dégageant progressivement de son empirisme, lui imposant la construction de son socle: anatomie, anatomie pathologique, physiologie, clinique, et son corollaire, le diagnostic. Ce progrès n'a profité qu'à une partie réduite de l'humanité. Il a fallu attendre le XIXème siècle pour en voir les effets, en termes d'efficience et de quantité de l'offre, sur l'état sanitaire d'une partie de plus en plus importante de la population. La mortalité infantile ne s'est réellement effondrée qu'à la fin du XIXème siècle. L'idée d'un droit à la santé a pris réellement corps après la deuxième guerre mondiale, dans la foulée des bouleversements, de l'appauvrissement général des populations de l'Europe. Elle n'était portée auparavant, il faut le reconnaître, que par quelques patrons philanthropes ou inspirés par leur convictions chrétiennes, et les socialistes. Pour les seconds, l'implication de la médecine dans le service public allait de soi. Il fallait poser le principe que la possession du savoir médical impliquait la participation du possesseur au service public de santé. Que les possesseurs du savoir posent leurs conditions à cette participation constituait le premier obstacle. Que la société dispose des moyens d'accepter ces conditions était le second. Les sociétés socialistes résolurent le problème en ne permettant pas d'autre mode d'exercice de la médecine que dans le cadre d'un service public, dans des conditions fixées par l'État, non négociables. Si on était médecin, ou si on voulait le devenir, il n'y avait pas le choix du mode d'exercice. Seuls les besoins de la société comptaient. Les sociétés démocratiques, même celles gouvernées par les socialistes, connurent davantage de difficultés. La contrainte, le mode d'exercice exclusif n'étaient pas possibles, sauf à infliger aux médecins un statut civil inégal. Il fallait des carottes, sans se ruiner, et quelques dispositions constituant en quelque sorte un avantage en nature. En Grande-Bretagne, le Service National de Santé rémunéra par un forfait "per capita" les médecins généralistes, auprès desquels les patients potentiels s'inscrivaient pour une durée minimum. Le NHS prenait en charge les frais de cabinet. Une relative compétition s'exprimait par le nombre des inscrits. La régulation des rapports entre médecins et patients tenait dans le droit d'un médecin de refuser l'inscription ou la ré-inscription d'un patient. Les spécialistes étaient en nombre réduit et tous salariés, exerçant dans un hôpital. Quant à ceux qui refusaient d'entrer dans le système, ils pouvaient exercer en libéral, mais leurs actes et prescriptions n'étaient pas pris en charge par le NHS. Leur clientèle devait être solvable, et donc, numériquement limitée. Ce système, propre à la Grande-Bretagne, est toujours en vigueur. La partie hospitalière avait subi pendant des années une importante dégradation, caricaturale, que le gouvernement de Tony Blair a partiellement corrigée. Les médecins généralistes ont des revenus convenables mais un mode d'exercice expéditif et frustrant. Cependant, ils disposent de bien plus de temps qu'un médecin français pour leur vie personnelle. Il faut pourtant noter que les généralistes de Grande Bretagne sont en majorité originaires du Commonwealth, tandis que les jeunes médecins britanniques sont partis nombreux vers les États-Unis ou les Dominions au niveau de vie comparable...et au système de soins libéral. La France a choisi l'entre deux: une médecine globalement libérale, disposant des libertés essentielles, d'installation, de prescription, d'entente directe avec les patients sur le montant des honoraires, d'une part, et une "socialisation" des malades, c'est à dire l'engagement auprès d'eux d'un remboursement des frais engagés, diminués d'un "ticket modérateur ", restant à la charge du patient, d'autre part. Tel était le contrat initial. Le montant de la consultation servant de base au remboursement était celui en vigueur au temps To de l'expérience. Les prix des médicaments agréés étaient convenus entre la Sécurité Sociale et les laboratoires. L'éventail des prestations médicales s'ouvrit tout grand et la Sécurité Sociale dut improviser sa nomenclature avec une prudence grandissante. Elle puisa en abondance dans l'expérience de la médecine militaire, son coefficient masticatoire, et ses taux de pensions. C'est pourquoi les lunettes et les prothèses dentaires sont parentes pauvres, les évaluations des handicaps si rigides. Pendant les décennies qui suivirent ce fut "la course à la mer" entre l'augmentation d'une demande de soins enfin solvable, les exigences des soignants appuyées sur une inflation constante, et les ressources de la sécurité sociale, assurées par le prélèvement nécessaire sur les salaires et sur les recettes des entreprises. C'est ce choix, catastrophique, qui porte la marque "socialiste": l'employeur responsable de A à Z de la santé de ses salariés. On en est encore là soixante ans après. Un allégement de charges est un "cadeau" aux patrons. Crèvent les entreprises plutôt que le principe. La bataille, entre l'Assurance Maladie et les professionnels de santé n'a pas cessé depuis, et ne cessera jamais. L'intervention de l'État fut rapidement nécessaire à tous les niveaux. Quant à celui de l'incompréhension entre Le Médecin et le reste de la Société, je ne vous dis pas. Les gestionnaires de toutes sortes enragent. Les hommes politiques de gauche, satisfaits d'eux même, aveugles sur les vices d'origine de leur oeuvre, voudraient mettre au pas les professions de santé qui en veulent toujours plus, et les patrons qui ne veulent pas payer, engagés qu'ils sont dans une compétition mondiale qui se moque de leur handicap. Les hommes politiques de droite sont, eux, d'abord les défenseurs des médecins (surtout), par solidarité de classe, puis, sont rapidement agacés par leur corporatisme et la non prise en compte de l'intérêt général. D'eux, on peut dire qu'ils virent de bord, mettent sous le coude leurs promesses dispendieuses, avant de passer à la phase suivante et de "serrer la vis". En employant le bouclier "inhumain" de l'État. Le clivage droite-gauche est l'obstacle, jusqu'à ce jour insurmontable, d'un "règlement politique" du conflit. Celui-ci consisterait en une révision complète du financement des dépenses de santé. N'incomberaient aux entreprises que les accidents du travail et les pathologies liées aux conditions de travail, dont les taux seraient fixés entreprise par entreprise*. C'est à la portée des moyens statistiques dont disposent maintenant les organismes de sécurité sociale. Les autres dépenses seraient couvertes par la cotisation personnelle qu'est la CSG-CRDS, qui devrait être entièrement déductible, et par l'impôt(TVA et autres). Resterait le problème du non-respect des engagements pris par les syndicats médicaux au nom de leurs mandants, par ces mandants eux-mêmes, prompts à former une Nième formation syndicale, aussi irresponsable que les autres. On tombe là dans un autre problème: le statut, les droits et obligations, des syndicats en France, non réglé par les réformes récentes de leur représentativité. Il est peut-être déplorable, comme le dit Jean de Kervasdoué dans une tribune du Monde du 13 Mai 2009, que le réglement des difficultés de l'hôpital passe par un "plus d'État", qui n'est sûrement pas une promesse de souplesse. Mais, dans un pays frondeur à tous les niveaux, la tentation absolutiste** est dans la tête de tous les responsables politiques et gestionnaires. L'État est toujours le recours, à commencer pour les frustrés "toutes catégories", mais aussi pour les serviteurs de l'État, qui sont dans les coulisses, et voient d'un autre oeil la comédie qui se joue sur la scène. La dérive absolutiste constitue à terme une faiblesse, particulièrement dans une démocratie, mais à force de pousser à bout l'exécutif, auquel est dénié tout droit dès le lendemain de son élection, le recours à la Constitution, toute la Constitution, rien que la Constitution, est logique. Au pouvoir, l'opposition ferait pareil, a fait pareil, fera pareil. Sceptique *Si elles devaient cotiser plus, au regard d'une incidence particulière de pathologies liées aux conditions de travail, certaines entreprises hésiteraient à rendre malades les salariés qui ne leur plaisent plus, pour s'en débarrasser. Celles qui sont laxistes sur les règles de sécurité en connaîtraient le prix. **La monarchie française devint absolue à la suite de la Fronde. La Révolution survint un peu plus d'un siècle plus tard (le règne de Louis XIV fut très long). Napoléon Bonaparte rétablit l'ordre détruit par la Révolution.
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