Les 750 milliards de la Bégum
Il ne faut pas dire que l'histoire se répète, non! Quelques têtes blanchies doivent se souvenir de ce roman très moral et très manichéen de Jules Verne, décrivant le sort d'un fabuleux héritage, partagé entre un représentant du Bien, investissant sa part dans une cité idéale, assurant le bonheur de ses habitants, tandis que l'autre, incarnation du Mal, fabrique des canons, braqués sur l'oeuvre de son lointain cousin, dans tous les sens du terme.
Cette incursion de Jules Verne dans la futurologie politique n'a pas été aussi prisée que les autres "prédictions", vérifiées, mais avec d'autres techniques. S'il est vrai que le présent a été accouché au forceps, au prix de flots de sang, les milliards d'aujourd'hui, cachés dans les manches d'une sacrée équipe de prestidigitateurs, ne servent plus qu'à subjuguer les "spéculateurs".
Que cette étiquette est commode, n'est-ce-pas? Car, qu'en fut-il vraiment? Habituellement, les "spéculateurs", boursicoteurs professionnels, gagnent de l'argent quand la tendance de la bourse est "haussière". Acheter cent mille actions à dix euros et les revendre un moment plus tard à dix euros et dix cents, sans même avoir eu besoin du million d'euros sur son compte, est un jeu facile avec le secours de l'ordinateur. Mais, en sens inverse, acheter à terme à dix euros des titres qui tombent à neuf, va faire une note très salée. Là, il faudra puiser dans les bénéfices engrangés la veille. C'est pourquoi la moindre tendance "baissière", déclenchée par une vraie mauvaise nouvelle, ou une bonne vraie rumeur, prendra vite le profil des chutes du Niagara.
Il faut se dire que si la panique boursière devait être arrêtée en raison de ses nuisances psychologiques*, les "spéculateurs" qui se sont débarrassés à n'importe quel prix de leurs actions ou obligations, ont bu un méga-bouillon, qu'ils n'ont pas pu compenser lors du redressement qui a suivi, hier, grâce à l'aplomb de ceux qui ont agité des liasses de billets, puis, les ont rangées tout de suite dans un coffre-fort. Les malins qui leur ont acheté les titres bradés doivent, eux, se frotter les mains. Je ne vois pas, dans ce genre d'affaires, comment les gagnants pourraient être plus nombreux que les perdants.
Ce qu'il y a de bien dans cette crise, c'est qu'elle a ressoudé la famille européenne, qu'elle lui a fait comprendre que son union impressionne, à l'intérieur, mais aussi, à l'extérieur. 750 milliards d'euros, tout virtuels qu'ils soient, c'est vraiment un très beau bébé! Il n'y a pas que papa et maman qui sont contents.
Je compatis à la douleur de ceux qui pensent que les 750 milliards auraient été mieux dans leur poche, et les auraient consolés de l'effondrement de l'Union Européenne, et de l'ensemble du monde "capitaliste".
Sceptique
*Notamment le renchérissement des crédits nécessaires aux états.