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Sceptique
3 mars 2011

ISF:rien ne sert de courir...

Serge Gainsbourg, dont on célèbre ces jours-ci le vingtième anniversaire de sa mort, avait fait scandale, de son vivant, en brûlant un billet de cinq-cents francs. À l'époque, rien n'avait été dit du sens, donné par le chanteur, à ce geste provocateur. Beaucoup de gens avaient dit que ce billet détruit aurait bien fait leur affaire, et que sa destruction était une offense faite aux pauvres.

Plus de vingt ans étant passés, et Serge Gainsbourg "déifié", tout lui est pardonné, voire porté au crédit de sa gloire. C'est ainsi que j'ai appris, de la bouche du chanteur lui-même, filmé dans l'accomplissement de son geste sacrificiel, qu'il entendait ainsi protester contre l'impôt qui lui était demandé, et qu'il prétendait atteindre les trois quarts de ses gains (il précise qu'il va arrêter la combustion du billet jusqu'au dernier quart).

Ce qui prouve, que même ayant le coeur à gauche, on a le portefeuille à droite, et "on" n'aime pas l'impôt....pour soi-même. Pour les autres, bien sûr, à gauche, on est pour. Jusqu'au dernier euro pour les mal-pensants, si c'était possible*.

Approchant de la fin de son mandat, confronté à la crise, à un chômage massif, et à un déficit public abyssal, le Président Nicolas Sarkozy essaie de résoudre la quadrature du cercle, de consolider la reprise plutôt molle dans les pays développés, et de contenir la progression de l'opposition à sa politique, conçue et approuvée avant la crise, et réajustée vaille que vaille, en fonction de cette réalité imprévue. En face de lui, la dite opposition veut ignorer la réalité de la crise, et mettre en place une solution keynésienne de relance par la consommation, impliquant une hausse massive des prélèvements sur les revenus des entreprises et des particuliers aisés. C'est à dire une redistribution des gains et des cagnottes de l'économie privée, y compris de celle qui s'exerce hors de nos frontières par nos entreprises de taille internationale. Pourvu que l'argent figure à leur bilan, la mère-patrie peut y puiser à deux mains. Quant à celle qui n'a pas encore émigré, elle sera rançonnée.

Autant, donc, l'opposition peut annoncer où elle trouvera les sous quand elle aura repris le pouvoir, autant le pouvoir actuel a du mal à boucler son budget et à trouver les recettes indispensables, sans déplaire à ses fidèles, et sans certitude de rallier à sa cause les électeurs perdus. Il sait, aussi, que certaines mesures très symboliques enrichiront le programme de l'opposition de leur annulation annoncée, prometteuse de voix supplémentaires. 

Parmi ces symboles qui divisent l'opinion, il y a l'ISF, l'impôt de solidarité sur la fortune, c'est à dire sur ce que l'on possède, en espèces ou en nature**. Il a été mis en place par la Gauche dans les années 1980, supprimé un temps, puis rétabli, et finalement maintenu par la droite, qui n'osait plus s'attaquer à un monument devenu "historique". Au début de son mandat, en 2007, Sarkozy lui avait assorti le "bouclier fiscal", limitant à 50% du revenu la totalité des impôts et prélèvements obligatoires payés par un contribuable. Ce dispositif, qui privait l'État de 5 à 600 millions d'euros par an, était devenu le symbole d'une fiscalité "de classe". L'ISF, lui, rapporte à l'État près de 4 milliards d'euros. Il frappe, théoriquement, des contribuables à faible revenu, mais possédant des maisons ou des terrains ayant pris une valeur énorme, du fait de l'engouement de particuliers pour des lieux paradisiaques injustement méconnus. Le bouclier fiscal permettait à ces paysans ou modestes retraités d'échapper, de fait, au paiement de cet impôt.

Il n'y a pas beaucoup de contribuables concernés par l'ISF et son pendant, le Bouclier fiscal. Leur existence, combinée, ou l'ISF "plein pot", ne font pas pleurer dans les autres chaumières que celles de l'île de Ré. La Gauche est sûre de son coup en en faisant son chiffon rouge. Seuls les économistes savent quelles sont leurs incidences plus profondes, et opérantes sur l'économie. Mais cette compétence fait horreur dans notre pays sans tradition marchande, et l'abandon de ce type de fiscalité par nos voisins et concurrents, ne nous trouble pas du tout. Comme nous sommes le peuple le plus intelligent de la terre, il est normal que nous fassions différemment. Ce sont "les autres" qui n'ont rien compris.

La suppression du "bouclier fiscal" honni nécessite une modification de l'ISF, donc de son rendement. Dans le sens de sa diminution, bien sûr. L'intelligence appliquée à l'économie justifierait sa suppression, et la compensation du manque à gagner par des hausses des impositions existantes. Mais il est alors certain que le Gauche mettra à son programme son rétablissement. Qui ne lui fera pas perdre de voix.

Il aurait sans doute mieux valu que le Président et son gouvernement ne cèdent pas sur cet aspect du programme accepté par les français en 2007. L'entrée dans les turbulences d'une période pré-électorale transforme ces modifications de détail en autant d'aveux d'erreurs ou de doute. "Tout ce que vous direz, ou ferez, sera retenu contre vous." Une présidentielle concluant un mandat, c'est au fond un grand procès, où le nombre de procureurs et de témoins à charge est supérieur à celui des avocats et témoins à décharge. Le sortant qui demande un quitus et le renouvellement de la confiance ne doit pas y reconnaître le moindre tort. La plaidoirie n'a de chances de convaincre que si elle n'est infiltrée d'aucun aveu.

Mais la politique est parfois(?) injuste, comme l'a rappelé Alain Juppé, et le procès peut être perdu en première instance. La procédure d'appel dure cinq ans, et, le plus souvent, la peine est annulée, les gagnants du premier procès sont déboutés!

Sceptique

*La mal-pensance étant relative, il faut mieux ménager ceux qui sont identifiés comme tels. "On" peut avoir besoin d'eux un jour.

** Sauf s'il s'agit d'oeuvres d'art, cotées sur le marché!

Note du 4 Mars 2011: Depuis la rédaction de ce dernier billet, las décisions annoncées ont été prises: le bouclier fiscal sera supprimé, mais le seuil d'assujettissement à l'ISF est doublé, faisant sortir 300.000 assujettis à cet impôt. Comme il fallait s'y attendre, ce geste a eu droit à son concert de critiques et de contestations. Il ne fera gagner aucune voix au candidat de l'UMP, qu'il soit ou non le Président sortant, Nicolas Sarkozy.Il aurait donc pu se passer de cette mesure symbolique, et garder le cap qu'il avait choisi.

Ses chances de l'emporter se concentrent dans l'évidente incapacité de l'opposition de s'unir sur des hommes et des femmes capables, et de s'entendre, et de gouverner la France, et non la cohorte de gauche, seulement, en présentant un programme sans démagogie ni manichéisme. "Ils et "Elles" n'en prennent pas le chemin. L'empoignade entre Arnaud Montebourg et Jean-Noël Guérini, patron sulfureux de la Fédération des Bouches du Rhône, en est le dernier exemple.

 

 

 

 

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Commentaires
S
Avant Villepin et Sarkozy, il me semble qu'à gauche, Rocard avait déjà émis l'idée d'un plafonnement de l'impôt, pour ne pas faire fuir les gros contribuables. Si la situation économique n'avait pas subi ce coup d'arrêt, en 2008, le bouclier fiscal ne serait pas apparu comme le symbole d'une injustice. Était-il aussi contre-productif qu'on l'a dit à gauche? Je suis loin d'être concerné, mais je vois certains de mes descendants commencer à gémir sous le poids de leurs impôts, parce qu'ils ont eu tort de réussir.<br /> Les français n'ont jamais aimé payer des impôts. La Révolution était censée mettre fin à la voracité de l'État. On sait ce qui en est advenu. <br /> Notre vie politique est ainsi faite, d'un duel entre une droite hésitant entre libéralisme et dirigisme étatique, et une gauche négationniste des problèmes structurels et redistributrice de l'argent des autres.<br /> C'est pourquoi j'aurais préféré que Sarko assume ses idées jusqu'au bout. Que ce soit à droite ou à gauche, les règles du jeu changent constamment.
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L
Si je ne me trompe pas, ce n'est pas Sarko qui a inventé le bouclier fiscal, mais Villepin. Villepin avait mis le plafond à 60 %, Sarko l'a abaissé à 50 % avec tellement de comm autour de cette mesure, comme il sait si bien(mal) en faire, qu'aujourd'hui tout le monde croit que c'est lui qui a inventé le bouclier fiscal, ce qui se retourne contre lui. <br /> <br /> Je ne suis pas anti sarkozyste. Je pense que la réforme des retraites est la bienvenue, même si sans doute encore insuffisante, et qu'elle a été conduite de façon la plus démocratique qui soit.<br /> <br /> Mais, quand même, c'est un sacré gribouille !
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S
Je ne désapprouve pas, mais je suis sûr que ces mesures ne calmeront pas l'opposition, et ne vaudront à Sarkozy aucune reconnaissance de ceux, très nombreux, qui ne seront pas concernés. Le bouclier fiscal corrigeait quelques effets pervers de l'ISF. Sa suppression oblige à une correction de l'ISF, qui ne touche qu'une minorité, et la baisse de son seuil d'entrée sera présentée comme un cadeau aux riches....propriétaires de l'île de Ré.<br /> Par expérience, je ne pense pas que ce genre de concession soit efficace en politique*. Cela fait bientôt cinq ans que l'opposition réclame qu'on fasse SA politique. Elle pouvait attendre un an de plus.<br /> *Exemple de la libération des otages du Liban, après plus d'un an de captivité, avant les Présidentielles de 1988. La présidentielle sanctionne la totalité d'un mandat, pas les concessions des derniers mois ou semaines.
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P
je ne comprends pas bien: vous semblez douter de la pertinence des mesures que le gouvernement s'apprête à prendre (notamment la suppression du bouclier fiscal) et en même temps vous semblez lui donner raison d'agir ainsi!
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Sceptique
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