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Sceptique
9 avril 2011

Faut-il avoir peur de Jean-Luis Borloo?

La vie politique est la plus infecte qu'on puisse imaginer. L'observation de piranhas ou d'alligators dans un aquarium ne manque pas d'intérêt. C'est la vie! De là à aller y barboter, il y a un saut à éviter. Jean-Louis Borloo vient de le faire, mais en sens contraire, et pour changer de bassin. Car au bout d'un long séjour en politique, les poumons sont inaptes à la respiration de l'air des hommes ordinaires. On retourne au poisson originaire.

Jean-Louis Borloo quitte donc l'aquarium de l'UMP et de la famille politique du Président Nicolas Sarkozy. Il en était encore il y a quatre jours, à Nesle (Somme), tout beau et tout souriant, dans la suite du Président. Le chantier visité, celui du Canal Seine-Nord, était son enfant, par le travail ministériel qu'il lui avait consacré. Hommage lui en fut rendu, par celui qu'il avait décidé de quitter. En politique, la gratitude est un sentiment idiot. Dans quelque sens que ce soit. Il y a quelques mois, il avait été question de le récompenser par le poste de Premier Ministre. Il en était de toute évidence incapable, et la main de Sarkozy tenant le stylo, resta en l'air. 

Doublement déçu, surement, car on ne lui proposa pas, ou il n'accepta pas, un autre ministère. On le comprend.

Son départ est diversement interprété. Il y a la version vache:"les rats quittent le navire, dont les cales prennent l'eau."

Il y a la vengeresse: le Président est trop personnel, "fait travailler", mais ne délègue pas.

Il y a l'opportuniste: l'élection présidentielle est la seule qui vaille. Se sentir capable d'assumer la fonction, c'est de l'amour-propre, viatique indispensable de la vie politique, dès ses premiers échelons.

Pourquoi lui? Pourquoi pas moi? Est-elle juste cette consigne qui désigne à l'avance le champion, et exige que toutes les nuances de la majorité présidentielle courent pour LUI? 

Les doutes qui taraudent les barons de l'UMP, assourdis par les vociférations des ennemis de Sarkozy, ébranlés par les sondages d'opinion, par les pertes du dernier carré, s'étendent aux mérites attendus des sacrifices demandés au nom de l'union. Être le recours, demain, ou après-demain, dès que la gauche décevra, ça se discute.

Jean-Louis Borloo, mis en lumière par sa réussite à Valenciennes, par son originalité, son indépendance, est une "pièce rapportée" de la famille gaullienne. Il a à son égard moins de devoirs.

Dans la famille centriste*, dont il est originaire, il n'est pas un leader "charismatique". Pourquoi lui?Pourquoi pas Morin? Et Bayrou, peut-on imaginer qu'il s'effacerait au profit de J.L. Borloo? 

Il n'est certainement pas indifférent qu'il se présente à la présidentielle de 2012. Nicolas Sarkozy n'aura aucun profit à combattre sur deux fronts ou plus. Même si cette situation lui laisse plus de chances d'être placé pour le deuxième tour, devant, ou derrière, le candidat choisi par la gauche.

Tous les "hommes(ou femmes) d'État sont des "politiques". Tous les hommes (ou femmes) politiques ne sont pas "d'État". Je les reconnais à leur capacité de dépasser, sincèrement, leur appartenance, le "prêt-à-penser", le bréviaire, le petit livre rouge, de leur parti. La capacité de remettre en cause leurs bases.

Il n'y a pas de centristes dans cette catégorie. Le centrisme a besoin du flou qui laisse une place au pragmatisme, à un certain opportunisme. Il ne reconnait pas de Vérité. Jean-Louis Borloo, trop gentil, sans autorité, brouillon, estimable, mais sans charisme, "n'a pas vocation à devenir Président de la République", comme "on" dit maintenant. Ni aucun compagnon de route et néanmoins rival.

Quant à l'opposition, qui se nourrit des frustrations et des incompréhensions des citoyens, elle n'a en perspective que sa clientèle "naturelle", objet de ses soins préférentiels. Une petite moitié de la population, augmentée de quelques transfuges. Dissimule-t-elle dans ses replis des hommes et des femmes "d'État", conscients des faiblesses d'un clientélisme qui se contente de mettre à l'amende ceux qui ne font pas partie de la famille? Je le pense, mais obéissants à la règle du collectif, ils chantent en choeur la ritournelle. "On" parle de Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal laisse parfois échapper un peu de liberté d'esprit, François Hollande a fait du chemin en solitaire, Manuel Valls suscite des espoirs, mais plutôt pour une ouverture bis.

Malgré les vents contraires, la barre du navire est toujours tenue d'une main ferme, et accumule les "miles"(sinon les "smiles"). La météo est meilleure pour le reste du parcours: sortie de la crise, stabilisation du chômage, réduction du déficit. Le point qui retournerait le rapport entre "on sait ce qu'on perd" et "on ne sait pas ce qu'on prend", n'est pas encore franchi, mais le cap est mis sur lui.

Sceptique

Note complémentaire du 12 Avril 2011: entendu ce matin, en voiture, sur Radio-Classique, François Bayrou interrogé par Guillaume Durand. Après quelques propos sur la Côte d'Ivoire, approuvant l'action de la France (c.à.d. celle du Président de la République), et mettant tout sur le dos de Laurent Bagbo, la guerre civile et ses massacres des deux côtés, le Président du Modem est interrogé sur le mouvement d'humeur ou d'ambition de Jean-Louis Borloo. Le propriétaire de la chasse gardée se déchaîne alors contre le braconnier! Jean-Louis Borloo, jette-t-il sur un ton méprisant, n'est que "le sous-marin de l'Élysée", chargé de le torpiller, LUI, le challenger naturel de Nicolas Sarkozy pour 2012.

Il est vrai que les voix qui iront à J.L.Borloo au premier tour, s'il est candidat pour le Nouveau Centre, n'iront pas à François Bayrou, pour qui s'éloignera le fol espoir de figurer au deuxième tour, contre Sarkozy ou le candidat socialiste! La meilleure situation pour le Président sortant, c'est un centre morcelé entre ses diverses nuances (Bayrou, Borloo, Morin, et l'ineffable De Villepin), et une gauche également divisée.

Je n'ai pas l'impression que l'Élysée soit indifférent à l'escapade de J.L. Borloo. Mais le sang-froid est de rigueur. L'année 2011 n'en est qu'à son premier tiers, et il peut se passer encore bien des choses.

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