Primaire socialiste: une nécessité, pas un hasard.
La primaire organisée par le Parti Socialiste dans le but de se choisir un représentant à l'élection présidentielle de 2012 était une nécessité: il était déchiré entre sa phobie d'un leader incontesté, présidentiable "naturel", et la multiplicité des personnalités se sentant capables de porter la charge de Président de la République, et "libérés" par le vide professé par l'appareil du Parti, au nom de son obsession du "collectif".
En fait, "l'appareil" avait fait son choix en sous-main. Une personnalité lui semblait "ad hoc": Dominique Strauss-Kahn, pris par ses fonctions de Directeur du FMI, et ne pouvant se déclarer comme candidat sans avoir démissionné au préalable. Être Président de la République, en couronnement d'une belle carrière, ça ne se refuse pas. Un pacte secret lia Martine Aubry, Secrétaire Générale du Parti Socialiste, et DSK: elle tiendrait la place chaude pour lui, et, en cas de décision négative, au dernier moment, du Président du FMI (la place est prestigieuse et stable, l'élection est aléatoire, il faut se battre contre Sarkozy), elle se présenterait.
Le point faible de DSK, affaibli par l'air frais de la nudité, craqua un beau matin de la mi-Mai 2011, et lui valut tous les ennuis largement médiatisés que l'on sait. Mis "out" de la compétition avant même qu'elle commence, le vide subitement créé précipita les décisions. Plusieurs s'étaient déjà déclarés, François Hollande, depuis plusieurs mois, sans complexe à l'égard de DSK, favori de l'appareil, et Ségolène Royal, propulsée par la primaire de 2007, et forte de sa place de challenger de l'élu de 2007. À Martine Aubry, mise dans l'obligation morale de se porter candidate, s'ajoutèrent Arnaud Montebourg, Manuel Valls, et Jean-Michel Baylet, représentant du Parti Radical de Gauche, satellite du puissant P.S.
Il n'y a vraiment rien à dire de l'organisation matérielle de la primaire, qui mobilisa tous les militants du Parti Socialiste. Six candidats à départager, ça faisait beaucoup....de coups à craindre. Il y en eut pas mal, effectivement. C'est le premier parti en campagne qui en prit le plus. Il eut la noblesse de ne pas les rendre. Sa solidité, sa sérénité, le servirent généreusement. C'est lui, François Hollande, qui sera le candidat de la Gauche, l'an prochain.
La Parti Socialiste n'avait pas d'autre solution que cette primaire. Depuis De Gaulle et la Vème République, le Président est élu au suffrage universel direct, et ses pouvoirs sont étendus et réels. Il détermine la politique que son gouvernement accomplira, sous son contrôle permanent. Phobie ou pas du pouvoir personnalisé, il faut en passer par là. Avec la promesse "officielle" de mettre fin à cette constitution exécrée. Mais le doute quant à cet acte d'auto-mutilation réellement commis par l'élu*. Le vrai pouvoir a du bon, pour accomplir un projet qu'on n'a plus le coeur à confier à d'autres, confrères mais néanmoins ennemis. Les années Mitterrand laissèrent intactes les dispositions essentielles de la constitution.
Le succès, dont l'ébauche se dessinait depuis quelques semaines, de François Hollande, n'est pas un hasard, du fait même de son ampleur. Mais il est révélateur d'une lame de fond que l'écume furieuse de la surface cachait: la modération de l'opinion de la masse des électeurs, militants, ou sympathisants du Parti Socialiste. Si l'aile gauche de ce parti occupait le champ médiatique de ses éructations haineuses envers le Président Sarkozy et les français qui le soutiennent fidèlement, à l'abri de l'isoloir, les votants de la primaire ont éliminé la représentante zélée de cette haine non moins primaire**.
La méchanceté est réellement bête. La singer ne la rend pas plus séduisante. La pratiquer dans un débat en fait un point faible.
Président sortant, encore accaparé par les soubresauts de la crise, de ses conséquences en Europe, Nicolas Sarkozy n'entrera en campagne que le plus tard possible. Il aura en face de lui un challenger qui semble maitre de ses sentiments, et qui a encore du temps pour se pénétrer des dossiers les plus difficiles. Le débat sera sûrement plus égal et mieux maitrisé. Qu'en majorité les français n'aient pas compris et apprécié à leur juste valeur les actions ponctuelles ou structurelles accomplies par Nicolas Sarkozy, fait partie des points faibles de la démocratie, "le pire des régimes à l'exclusion de tous les autres". En toute justice, les mérites de Nicolas Sarkozy devraient être reconnus et récompensés par un deuxième mandat. Mais c'est pour le coup que "je ne fais pas confiance dans la justice de mon pays".
Sceptique
*François Hollande n'a rien dit, à ma connaissance, de ses intentions sur ce sujet.
**Dans le "politiquement show" qui a accompagné la diffusion des résultats du deuxième tour de la primaire, Jérôme Jaffré a souligné l'échec de Martine Aubry dans sa prétention à rassembler le Parti Socialiste. Selon lui, elle expédiera les affaires courantes jusqu'en Mai 2012. En cas de succès de François Hollande, elle devra quitter ses fonctions.
Note du 17/10/2011 à 17 h 15: Sur le site Telos*, Gérard Grunberg fait de la victoire de François Hollande la même analyse que la mienne, à savoir la révélation de la modération de la majorité des électeurs du Parti Socialiste, et l'erreur de Martine Aubry d'avoir choisi, au contraire, la partie la plus radicale, celle qui se place toujours sur le devant de la scène.
*www.telos-eu.com/fr