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Sceptique
25 octobre 2011

Islamisme en Tunisie, en Libye? "N'ayons pas peur!"

La forme de mon adresse rappelle que je ne me prends pas pour un pape. Malgré "l'ouverture" de cette charge aux non-italiens, je suis à tous points de vue hors-course. Mais, c'est vrai, j'ai approuvé l'esprit et la forme de l'appel de Jean-Paul II à ses compatriotes polonais, victimes de la persécution communiste. Cet appel est valable, quelle que soit la nature, religieuse ou idéologique, d'un mode de vivre et de penser qui se présente comme une Vérité, à embrasser d'urgence et sans faute, pour rompre avec l'Erreur.

Il me semble, d'ailleurs, que nous devons nous trouver bien fragiles, mentalement, à constater nos inquiétudes face à des manifestations religieuses qui n'ont rien de comparable à ce qu'ont vécu nos lointains ancêtres, entre le 8ème et le 15ème siècle de notre ère.

Le Siècle des Lumières a semé les germes d'une vraie liberté de conscience, et les idéologies qui l'ont supplanté au 20ème siècle, ont réactivé l'immunité acquise contre les diverses formes de totalitarisme, spirituel ou politique. 

S'il faut se rappeler que dans notre monde "libre", il subsiste de vastes zones où la liberté de conscience est encore relative, dans la partie la plus ancienne, celle qui nous concerne, aucune hypocrisie défensive n'est nécessaire. L'appartenance à une religion n'est plus, pour beaucoup, qu'une marque culturelle, qu'un vague système de valeurs*.

Alors, évidemment, la présence au milieu de nous d'immigrés qui reconstituent leur société d'origine, croyante et pratiquante d'une religion, qui régente, non seulement la croyance supposée dans laquelles ils ont été instruits, mais aussi toute l'organisation de leur vie quotidienne, allant de l'alimentation au vêtement, en passant par l'exercice de leur sexualité, nous paraît une menace pour notre habitude de vivre comme bon nous semble. Nous sommes témoins d'un conformisme que nous avons oublié. Plus d'un siècle après l'Encyclopédie et la Révolution, il était encore mal vu d'être absent à la messe du Dimanche, de vivre sans les "sacrements". Maintenant, nous sommes scandalisés par les représailles qui frappent, au milieu de nous, ceux qui transgressent les obligations de l'islam.Heureusement, d'ailleurs, elles sont susceptibles d'être sanctionnées au nom de nos lois. Mais qu'on se rappelle le sort d'une fille-mère avant la dernière guerre(1939-1945), la résistance à la contraception, à l'IVG, et maintenant à l'euthanasie, après le difficile abandon de l'acharnement thérapeutique!

En Europe de l'Est, sous la botte soviétique pendant près de cinquante ans, la religion a été le rempart contre la persécution, contre la prise de possession de l'esprit des individus par l'autorité politique. Y compris en Russie, où l'Église orthodoxe avait gardé au chaud ce qu'elle pouvait soustraire de spiritualité à la persécution officielle. Vladimir Poutine a bien compris la leçon, se servant de la même main pour se signer, ou pour signer les arrêts de mort(confiés à ses spadassins), des plus gênants de ses adversaires.

Les dictatures de toutes sortes qui ont pris en mains les états du monde arabe ou, plus généralement, musulman, n'ont rencontré de résistance que religieuse. Ben Ali, en Tunisie, Khadafi, à sa manière, en Libye**, ont essayé d'éliminer cette résistance là, avec encore plus de férocité que pour toute autre forme d'opposition. La religion a été le refuge, intime, consolant, des humains n'ayant pas d'autre choix que la soumission obséquieuse et faussement enthousiaste. Qu'elle justifie aussi l'agression organisée contre nos institutions, notre culture, et nos concitoyens, n'a rien d'étonnant ou de contradictoire.

Il n'est donc pas surprenant que l'islam, dans ces pays musulmans tombés entre les mains de dictateurs, à la suite du reflux de notre influence, qui comprenait la mise en place de pouvoirs complaisants, reçoive la récompense, sous forme de confiance populaire, de son rôle de force morale. Il y a bien sûr le risque de la mise en place d'une théocratie à la manière iranienne, qui fait pire que ce que le shah a pu faire, et de manière plus résistante(si la religion est choisie comme mode de résistance, ce n'est pas pour rien). Mais dans l'affaire iranienne, outre qu'il s'agit de l'islam chi'ite, qui admet la confusion entre pouvoir spirituel et temporel, il faut prendre en compte la "couvaison" de l'imam Khomeini par la France, et sa mise à la disposition, assortie de tous les honneurs, de l'opposition au Shah d'Iran, "despote éclairé", comme l'Europe du 18ème siècle en a connus, mais malade et affaibli. En Iran, la religion était l'arme morale de la résistance, mais son clergé était menacé par le réformisme du shah. Foi et intérêt ont conjugué leurs forces. L'intérêt a, depuis, pris en mains l'ensemble.

Pour conclure, il est normal d'être déçus par ces choix de la loi religieuse comme base des lois civiles à venir, mais il nous faut être logiques. Ces choix sont faits librement, au terme d'une révolution, ou d'une guerre civile, et approuvés par une notable proportion de la population, en tout cas assez homogène, comme en Tunisie, pour former un groupe puissant. Mais non majoritaire,  comme le remarque le chroniqueur Hervé Le Tellier***: "deux électeurs sur trois n'ont pas voté pour l'islamisme."

Mais il faut se garder de la peur, mauvaise conseillère. Nous ne sommes pas, en majorité, en attente d'une nouvelle religion, ou d'un "joueur de flûte". Aurons-nous, cependant, le droit moral d'intervenir, si une tendance semble prendre le pas sur toutes les autres, et reconstruire une dictature? Ce sera, forcément, un nouveau débat, à l'échelle du monde, comme les derniers.

Sceptique

*Pour beaucoup, elle n'est plus qu'une "assurance-éternité". "On" ne sait jamais...

**Il en reste encore, en Syrie, au Yemen. Et, bien sûr, dans nos dictatures familières, Chine, Cuba, Vénézuela, Corée du Nord, Birmanie (un peu fissurée).

***Le Monde.fr, "Check-list" du matin.

Note du 28/10/2011: Nos médias se sont alarmés de manifestations d'intégristes chrétiens contre des "créations artistiques" tournant en dérision les symboles du christianisme. Ces "créations" n'ont certainement pas la force de troubler une conviction quelconque. Mais il est vraisemblable que les ennuis vécus par ceux qui se sont moqués de l'islam, et l'auto-censure qui a suivi, ont inspiré ceux qui se sont mis en tête de défendre par des actes les représentations du Christ. Pourquoi deux poids, deux mesures, se sont-ils dit?  

 

 

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Commentaires
S
Il y aura bien quelqu'un des générations nouvelles, non concernées, qui finira par le dire assez fort pour être entendu. Nous sommes aussi gênés, j'allais oublier, par notre dépendance au pétrole du moyen-orient.
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S
L'empoignade religieuse du 16 siècle tenait à la vigueur des convictions et à l'esprit batailleur du christianisme de l'époque, venant d'achever la Reconquista et entreprenant la conquête du nouveau monde. C'est aussi l'époque des premières victoires sur l'empire ottoman et le début de son recul qui ne cessera pas tout au long des siècles, jusqu'à sa fin, au 20ème.<br /> La force actuelle de l'islam militant, qui tente de réparer les humiliations subies depuis la deuxième vague de conquêtes occidentales du 19e siècle, est faite de notre faiblesse, religieuse, bien sûr, mais là encore, notre passage par le Siècle des Lumières n'est pas réversible, et aussi morale, puisque nous nous couvrons la tête de cendres en pénitence de notre aventure coloniale.<br /> Cette aventure, terminée depuis cinquante ans à peine, comporte encore trop de survivants, de part et d'autre, qui entretiennent la nostalgie, la culpabilité, la rancune, et empêchent l'évacuation vers l'histoire. Personne n'ose dire "Basta cosi!"*<br /> Le conflit israélo-palestinien, devenu religieux, tient aussi sa place .
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L
La rencontre des civilisations, j'y crois avec le bouddhisme, avec le confucianisme, avec le taoïsme. Pas avec l'islam. La qualité qui manque à l'islam pour une rencontre des civilisations, c'est l'humilité. Même Malek Chebel, la coqueluche islamo-humaniste des media, a un jour déclaré, rapporté par Le Point : "Au bout du compte c'est l'islam qui l'emportera, parce que l'islam, contrairement aux autres religions, valorise la force". Par là, Malek Chebel, le prétendu musulman humaniste, a tout dit de l'islam. Il a dévoilé sa face cachée aux gentils naïfs occidentaux.
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L
Oui, bien sur, les circonstances historiques et géoplolitqiques sont totalement différentes. Mais c'était sous ma plume une métaphore. Une métaphore qui voulait dire : le communautarisme religieux porte en soi les germes de la guerre civile (aujourd'hui comme au XVIe siècle). Surtout lorsqu'une des religions se pense conquérante. <br /> <br /> Hier cocktail Molotov, aujourd'hui menaces de mort contre les gestionnaires du site Belge hébergeant le site de Charlie Hebdo, lesquels refusent de le rouvrir. Le souffle de la libanisation siffle à nos oreilles. Non ?
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S
Merci pour ce témoignage vécu et ces réflexions pertinentes.
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Sceptique
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