La société française et ses syndicats.
La France, comme société, a un problème avec ses syndicats. Leur nombre est considérable, si on ne se limite pas aux grandes centrales qui s'appuient sur le contrôle des services publics, dont elles ont su faire des confréries avantageuses. Mais, pas exclusives. Elles doivent se les partager.
Quant aux activités privées, leur taux de syndicalisation est excessivement bas, ou éparpillé en de multiples organisations dépourvues de moyens et pratiquant la surenchère.
La proportion moyenne de cotisants est autour de 8% des salariés, ce qui en dit long sur le taux de syndiqués des salariés du privé. De même, du taux de cotisants des organisations syndicales de professions non salariées, mais qui ont des intérêts catégoriels à défendre dans un monde spontanément injuste, où n'est servi que celui qui réclame, avec force.
Le syndicalisme se justifie uniquement par cette injustice "naturelle", qui préside aux rapports humains, proportionnellement au nombre de parties prenantes. Les grandes injustices sociales sont apparues avec le capitalisme, capable de concevoir et de faire fonctionner des entreprises employant beaucoup de monde, mais oublieux, "naturellement", des besoins des salariés, indispensables, mais anonymes et interchangeables. Ce qui ne veut pas dire que la situation était meilleure auparavant, mais les ampleurs étaient moindres.
Les syndicats sont donc des contre-pouvoirs tout à fait indispensables à la bonne marche d'une société industrielle, ce qui est encore, de nos jours, une valeur sûre. "On" a cru, il y a quelques années, à la fin de ce modèle pour les sociétés développées, et à la spécialisation des sociétés, l'industrie étant confiée aux pays émergents, et les services à forte valeur ajoutée réservés aux sociétés développées, parmi lesquelles nous aimions à situer la nôtre.
Malheureusement, les émergents n'ont pas joué le jeu. Ils nous ont pris toutes les industries manufacturières, mais aussi les services, pour lesquels ils disposaient de gens suffisammant formés pour les assurer à vil prix.
Le problème français est que notre culture syndicale ne facilite pas la prise en compte de cette réalité. En effet, en raison de la surenchère permise par la dispersion syndicale, elle se limite à la défense de l'intérêt des salariés, en écartant du débat le sort de l'entreprise comme entité, et de ses clients, totalements abstraits. Quant aux intérêts des entrepreneurs et des actionnaires, ils sont nuls et non avenus. Le résultat de cette absence de solidarité, de privilège de la lutte contre le patron et/ou le capitalisme, c'est la destruction inexorable de notre tissu industriel, de nos entreprises à valeur ajoutée faible ou moyenne, exposées à la concurrence mondiale.
Comment sortir de cette guerre civile chronique, préjudiciable à l'échelle nationale autant qu'à un échelle locale, où la fermeture d'une usine fait régresser le niveau de vie d'un territoire?
Bien sûr, pas en affaiblissant les syndicats, mais au contraire en les renforçant, tout en élevant leur niveau de responsabilité. Actuellement égal à zéro, tant civile que pénale. Comme institutions, nos syndicats sont hors du droit commun.
Lors de la campagne présidentielle de 2007, la candidate socialiste Ségolène Royal a exprimé publiquement une proposition qui rejoignait ma préoccupation: rendre obligatoire l'adhésion à un syndicat. Pour tout salarié, bien sûr. Mais j'ajouterai: pour tout travailleur, quelque soit la nature du travail.
Actuellement, ce qu'arrache, ou obtient par la négociation, un syndicat, est applicable à tous les salariés concernés. À quoi bon, alors, cotiser? Et si l'action excessivement prolongée du syndicat ou des syndicats, aboutit à la fermeture de l'usine, c'est tant pis pour les salariés. Leur recours à la justice prendra des années et aboutira à une indemnisation qui n'aura pas de payeur!
L'action syndicale s'apparente à celle d'une assurance. On sait combien serait le pourcentage d'assurés si l'assurance n'était pas obligatoire pour des risques hautement probables: accidents de voiture, incendie, vol, dégâts des eaux, catastrophes naturelles. Il n'y donc rien de choquant à imaginer l'adhésion obligatoire à un syndicat.
La résistance est "tripolaire": les bénéficiaires, les salariés, ne veulent pas voir une cotisation amputer leur salaire. Les patrons ont tout intérêt à la faiblesse syndicale. Et les syndicats ne veulent pas du statut de personne morale, du volet responsabilité civile et pénale. Les solutions opaques et indirectes de leur financement leur conviennent. Pas seulement à eux, d'ailleurs.
Cette réforme ne viendra que d'une volonté politique courageuse.
Sceptique