CONCERT DE LOUANGES POUR STEPHANE HESSEL. UN BÉMOL.
Je ne connaissais pas cet homme sympathique avant qu'il ne sorte du bois et lance son "INDIGNEZ-VOUS! en direction d'une jeunesse désemparée. Tout heureuses de recevoir un mot d'ordre simple, présenté comme pouvant conjurer une situation kafkaienne, les jeunesses d'Europe s'en sont emparées, et l'ont mise en acte sous la forme de "seat-in" encombrants, mais, sauf exceptions très locales, sans violence.
Ce n'est pas que d'aucuns n'aient essayé. De pertuber le fonctionnement des institutions démocratiques, comme en Catalogne. Ou d'en faire un instrument discriminatoire. Par exemple, opposer aux "indignés" les...indignes. Mais, finalement, le mouvement, simplement contenu, afin qu'il ne paralyse pas la vie des non-indignés, découvrant peu à peu sa vanité, s'est essoufflé.
Même si le point de départ de la crise est la bêtise humaine, même si son détonateur est la bêtise d'un homme, la déflagration qui a soufflé la majeure partie de l'économie mondiale a été incontrôlable. Les pompiers de tous grades furent plus utiles que les foules, toujours promptes au lynchage, pour peu qu'on leur jette en pâture un homme ou une catégorie d'hommes, déclarés inutiles et nuisibles.
Le pouvoir de la rue a révélé sa puissance à l'occasion de notre Révolution, et de quelques autres. Notre exemple hante toujours l'esprit des révolutionnaires professionnels. Qui mettent sous leur coude les suites habituelles des triomphes de l'émeute. Les sociétés humaines ayant horreur du désordre, celui-ci est promptement récupéré par des sauveurs, qui rétablissent à leur profit un ordre qui n'a pas la faiblesse du défunt. Les dictatures ou les restaurations qui suivent les révolutions durent toutes très longtemps, en particulier pour ceux qui les subissent.
Les démocraties authentiques qui se sont peu à peu substituées aux monarchies ou aux dictatures, dans une partie du monde, sont en apparence faibles, en raison de leur tolérance de principe, et donnent envie aux nostalgiques du totalitarisme de les croquer . À force d'expérience, elle se montrent de plus en plus solides face aux assauts de la rue, derrière lesquels les meneurs se prennent à espérer la mort de la liberté. La maturation des hommes réduit le nombre de ceux qui tendent l'oreille vers les "joueurs de flûte". Les manifs se transforment en fêtes débridées, en piques-niques itinérants. Elles ne font plus tomber, ou se renier, les gouvernements.
Tant de bruit pour rien, ça devrait faire réfléchir les agitateurs de tout poil. Ça leur fait mal, c'est évident, et ils s'époumonnent à souffler sur la moindre braise. Les responsables des démocraties doivent veiller à ce que les peuples ne perdent pas confiance en leur démocratie. L'ordre public doit être leur obsession. En toutes circonstances, il doit tenir bon, sans rendre coup pour coup.
L'héroisme qu'a montré dans une phase cruciale de sa vie, Stephane Hessel, n'était pas transposable à la situation actuelle. Il n'est pas facile, mais possible, d'être résistant dans une situation de conflit humain définissable, circonscrit. Mais peut-on l'être face à un cyclone, à une éruption volcanique, à la crue d'un fleuve? C'est le sauve-qui-peut qui domine alors.
Sceptique