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Sceptique
9 novembre 2015

RENÉ GIRARD

René Girard est un penseur français, que j'ai été chaudement invité à découvrir, quand, à mi-parcours de ma vie professionnelle, j'ai décidé de me former à la psychiatrie et à ses corollaires indissociables, la psychanalyse, mais aussi la philosophie, la sociologie, l'anthropologie. Ce fut aussi l'époque où je découvris la préscience des romanciers. Les meilleurs "enfoncent" les meilleurs cliniciens, les plus savants des auteurs de traités.

Contrairement aux enthousiastes de l'époque, et aux auteurs d'oraisons funèbres (René Girard vient de mourir à 94 ans), son oeuvre m'est tombée des mains, le noyau de sa théorie m'est apparu comme simpliste, en retrait des autres approches.

Le mimétisme a un rôle sûrement important chez le jeune enfant, pour se former aux comportements propres à l'humain, à l'usage des ustensiles, des objets, mais pas à sa formation morale. Son accession au langage l'est sûrement davantage. C'est par la parole que l'atteindront les recommandations et les désaveux de ses conduites. Ces derniers sont parfois associés à des sanctions, mais à quoi serviraient des sanctions sans justifications ou explications?

Ce n'est pas parce que les religions ont mis à leur programme une liste de prescriptions et d'interdits, qu'elle leur est parvenue de leur(s) divinité(s). Son universalité montre qu'il s'agit bien du minimum pour l'harmonie de la société, dès son premier niveau. Cette morale "naturelle", élaborée par les hommes vivant ensemble, constitue le bien commun du groupe social. Les mots pour la dire font partie de la base du vocabulaire.

L'homme est un animal grégaire. Les générations cohabitent durablement. L'exogamie qui va de soi dans notre espèce, comme dans la plupart des autres, force les groupes humains à entrer en contact avec les autres en vue de la formation de couples nouveaux. Les autres échanges, de nourritures, d'artefacts, ne relèvent pas à l'origine d'un impératif naturel, mais le sont devenus.

Dans les conditions "normales", hors états de guerre, relativement tardifs dans la préhistoire de l'humanité, la violence provient davantage de la Nature, que des semblables. L'impossibilité des échanges verbaux avec la Nature, à laquelle sont cependant prêtés* des sentiments, des intentions, suggère aux hommes d'autres moyens de calmer ses "colères", ou de s'attirer sa "bienveillance": offrandes, sacrifices, prières collectives. La personnalisation des changements d'état de la nature sous forme de divinités aussi capricieuses que peuvent l'être les humains constitue l'étape suivante. Il faudra un bon nombre de millénaires pour aboutir aux monothéismes, prêtant à une seule divinité toutes les actions de la nature, bonnes ou mauvaises, en fonction de sa satisfaction ou de sa colère. Notons en passant qu'il n'y a pas de religion qui ne place l'homme comme création essentielle, au sommet des autres, toutes à son service, mais à condition qu'il se conduise bien, qu'il en soit reconnaissant à son créateur.

Je rejoins René Girard quand il place le récit d'une histoire dans la première pierre de toutes les religions. La parole, les mots qui la composent, constituent la culture, autre niveau du bien commun qu'est le langage, dans les formes les plus diverses qu'il reçoit. Les cultures sont sûrement moins diverses. Leur noyau est répétitif. On y trouve le minimum vital des sociétés. L'unité de l'homme moderne n'est pas que biologique. Elle est pour une bonne part comportementale, et intellectuelle.

L'homme d'aujourd'hui ne veut pas s'arrêter de penser, mais, il me semble, il a ajouté une coquetterie, s'écarter du fil qui relie les pensées depuis les origines, ne pas se répéter, rejoignant l'art, tel qu'il est devenu en Occident, obsédé de non-répétition. Une partie de la pensée d'aujourd'hui s'emploie à "déconstruire" les constructions du passé. Pour autant, je n'applique pas le mimétisme ou la violence mimétique aux destructions de vestiges de Palmyre et d'ailleurs au Moyen Orient. Elles ressortent d'une utopie rétrograde. Reprendre de zéro une histoire qui s'est trop vite essoufflée.

Ne faisons nous pas de même, quand nous nous affolons de notre propre histoire, de celle de notre civilisation, lancée contre une série de murs? Quand nous doutons de notre capacité à nous adapter positivement à un changement climatique dont nous accusons "les autres"? Ne voyons-nous pas notre avenir comme un suicide collectif, nécessaire, "incontournable"?

Que cette perspective nous rende méchants est logique. Elle relève d'une rumination négative, d'un procès de l'homme, avec des procureurs, des juges, mais pas d'avocats! Ce que l'homme peut concevoir, aucune bête ne pourrait le faire.

Il y a, bien sûr, des situations de panique, affectant des foules, qui se piétinent mutuellement, tuant ceux qui sont tombés. On ne peut pas se vanter de cette capacité, qui nous renvoie à notre animalité. Mais cette capacité de nous transformer en moutons ou en chevaux affolés signifie que nous pouvons "perdre la tête", tomber dans la "violence mimétique". C'est une régression, pas un point d'arrivée.

Sceptique

*Je pense que l'animisme est le premier modèle de la pensée religieuse. L'homme ne peut se penser mort. Il conçoit donc la survie de l'esprit des morts, et leur attribue les satisfactions (récompenses) ou les difficultés (punitions) qu'il éprouve. Les formes suivantes de la religiosité sont les attributions spécifiques des bienfaits et des malheurs à une divinité qui exprime sa satisfaction ou sa colère. L'évolution vers le monothéisme est une projection de l'évolution des sociétés humaines, plus nombreuses et hiérarchisées. L'homme lie dans le ciel ce qui est lié sur la terre.

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