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Sceptique
20 mars 2016

RÉFLEXIONS SUR LE 19 MARS.

Une bonne moitié, ou plus, de notre peuple a été irritée de ce que le Président François Hollande ait choisi cette date du 19 Mars pour commémorer la guerre d'Algérie, empoignade de trois résistances, celle des algériens contre les possédants du territoire depuis l'invasion de 1830, celle des pieds-noirs, descendants des divers peuplements européens installés par la France, avec son accord et sa protection, celle de son armée, chargée depuis 1945 des combats retardateurs du reflux "impérial", à la fois humiliée, et désespérée.

En effet, dans la foulée de la conquête de l'Algérie, sous le prétexte d'une offense du Bey d'Alger, animée par une rancune tenace envers l'insécurité de la Méditerranée et de nos côtes, impliquant les pirates barbaresques, la seconde révolution industrielle nous a poussés, par le rapport de forces favorable et la compétition des nations européennes dans la conquête des marchés, à celle de ce qui n'avait pas encore été conquis, en Afrique, en Asie, et en Océanie.

La seconde guerre mondiale, contre l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste, le Japon impérialiste, a d'abord montré que nous n'étions pas invincibles. La victoire finale avait laissé les deux principales puissances coloniales, la France et l'Angleterre, épuisées, et dominées par leur partenaire, les États-Unis, hostiles aux empires coloniaux...aux marchés fermés. L'allié de circonstance, l'URSS, avait la même position, dictée par son idéologie*.

La première manifestation nationaliste de l'Algérie se produisit le lendemain même de la capitulation de l'Allemagne, le 8 Mai 1945, à Sétif, à l'est d'Alger. La manifestation, liant la victoire à la fin de la colonisation, fut perturbée par un incident sérieux, qui la déchaina sous la forme du massacre de tous les européens se trouvant sur son chemin. La répression, sur le même mode, fut terrible, et força à la clandestinité et au silence le mouvement nationaliste algérien. La vie, "coloniale", de l'Algérie reprit son cours, pour un peu plus de neuf ans.

Entretemps, la France tenta de se maintenir en Indochine, colonie qui lui tenait à coeur. Elle finit par être vaincue par le Viet Minh, la résistance nationaliste et communiste. Notre armée y fut humiliée, mais elle en tira les leçons pour elle seule.

Pour mieux contrôler les frontières de sa conquête algérienne, la France du 19ème siècle avait imposé aux deux pays qui la flanquaient, la Tunisie et le Maroc, un Protectorat, une "aide" à l'administration, au maintien de l'ordre, et à la sécurité des frontières, assurée par les armées françaises. Là encore, la puissance tutélaire favorisa l'installation de colons, qui introduirent des cultures nouvelles et des techniques d'irrigation permettant l'utilisation de terres peu productives dans les conditions naturelles.

Ce sont ces deux pays, soutenus par les nouvelles grandes puissances du monde, qui ébranlèrent l'autorité française, et récupérèrent leur indépendance, pleine et entière. Non sans douleurs pour les immigrés européens, mais en un temps relativement court.

La guerre d'Algérie éclata quelques mois plus tard, le 1er Novembre 1954, sous la formes de destructions et d'assassinats de français, de manière concertée, sur l'ensemble du territoire algérien. 

L'importance du peuplement européen, formé par divers apports depuis la conquête de 1830, constituait une difficulté majeure**. "Il" n'était pas disposé à partir, à abandonner ses biens, ses moyens d'existence, son cadre de vie, ses cimetières, séance tenante. En raison du mode d'expression choisi par la rébellion algérienne, "Il" n'avait aucune confiance en leur gouvernance à venir. "Il" fit donc la plus forte pression possible sur le gouvernement français pour qu'il assure leur protection et leur garantisse leur avenir. "Il" reçut l'appui des partis politiques de droite.

Sa concentration dans les villes et les plaines côtières facilita sa sécurité. Le FLN prit facilement le contrôle des zones montagneuses, à distance de la côte. Mais la décision prise par le gouvernement français de résister, de maintenir par la force la souveraineté française sur la frange côtière, où se concentraient le peuplement européen et les terres mises en valeur, le contraint rapidement à reconquérir l'Algérie de l'intérieur, pauvre et peu développée, y compris "politiquement". Le rappel des contingents formés, la prolongation à trente mois du service militaire obligatoire, donnèrent au gouvernement les effectifs indispensables à un minimum de contrôle de l'ensemble du territoire et de ses frontières est et ouest, à travers lesquelles passaient les armes et les renforts. L'armée se structura en unités d'occupation du terrain, formées d'appelés, et opérationnelles, composées de soldats de métier, mobiles, aguerries, formées sur les champs de bataille de la seconde guerre mondiale et de l'indochine. 

Sous l'effet de cette adaptation de l'armée, des barrages garnissant les frontières, la résistance algérienne fut largement contenue à l'extérieur, tandis que les unités intérieures étaient affaiblies par leur pertes. Il en résulta une amélioration sensible de la sécurité, et un réconfort des populations européennes et de l'armée.

Par contre, l'opinion de la "métropole" était profondément divisée, entre la gauche, favorable à la décolonisation, et la droite, ragaillardie par l'évolution du conflit sur le terrain. La gauche dominait, ses choix de gouverneurs déclenchaient à Alger des émeutes. Le Gouverneur devait se démettre, ou se soumettre, c'est à dire, reconnaitre la légitimité de l'angoisse des "pieds noirs" à propos de leur avenir, qui pouvait leur échapper.

La formation, laborieuse, d'un gouvernement affichant son intention de négocier avec le FLN, déclencha, à Alger, la révolte conjointe des activistes "pieds noirs"(Lagaillarde) et des généraux conduisant la guerre, soutenus et protégés par les unités d'élite. La date du 13 Mai 1958 fut le début d'une crise politique majeure entre le gouvernement de la quatrième République et une Algérie (française), en révolte contre le gouvernement. Cette évolution était prévisible, et diverses personnalités du parti gaulliste espéraient bien en profiter pour remettre en selle le Général De Gaulle, dont l'autorité sur les français, civils et militaires, était encore très forte. Il fut appelé à former et à diriger un gouvernement d'union, capable de rallier les militaires en révolte.

Quelques mois lui furent nécessaires pour rassurer l'armée et les "pieds noirs", les faire rentrer dans l'ordre, se débarrasser des entraves à son action. Deux ans plus tard, le sort de l'Algérie était scellé, elle obtiendrait son indépendance au terme des négociations entamées à Évian. L'armée se souleva une dernière fois avec le putsch des généraux, peu suivi par l'armée présente sur le sol algérien.

Les "durs" des pieds-noirs organisèrent l'OAS, utilisant le terrorisme contre les musulmans et les partisans français du FLN. Le cessez le feu fut fixé au 19 Mars 1962, des émeutes sanglantes se déroulèrent à Alger, où des pieds-noirs tombèrent sous les balles d'unités françaises, et l'exode prit une accélération qui vida l'Algérie de la quasi totalité de sa population non indigène. Un grand nombre de retardataires ou de candides furent enlevés et massacrés, ainsi que nos harkis, par milliers. Les quelques "avantages" concédés par le futur pouvoir algérien furent balayés dès sa prise de fonction. La rupture entre le pouvoir de l'Algérie indépendante et l'ancienne communauté française, des "pieds noirs", est totale, durable, et entretenue, par la communauté elle-même.

C'est pourquoi la date du 19 Mars 1962 reste douloureuse pour cette communauté, entièrement réinstallée en France "métropolitaine", et pour les survivants et descendants des harkis, ramenés en France par leurs chefs, contre la volonté du gouvernement. C'est la date d'une défaite, honteuse, par ses bavures très françaises***.

Seuls les communistes, par leur logique particulière, en ont fait une date glorieuse. Son choix par le Président François Hollande pour la commémoration du conflit constitue une erreur psychologique de plus****. Le 19 Mars est la Fête Nationale de l'Algérie, ce qui est "normal". Il n'y a aucune raison qu'elle prenne place dans nos commémorations, toutes référées à des fins victorieuses.

Sceptique

*L'URSS défendait la possibilité pour tout peuple de se doter d'un pouvoir communiste. L'indépendance en était le préalable.

**Un million de personnes, 10% de la population de l'Algérie, au début du conflit.

***Facheuse habitude du pouvoir français, au détriment de ses supplétifs. En Indochine, en Algérie, et de nos jours, avec ses interprètes afghans.

****Il y a encore des proches de ces victimes, en vie, et en état de réagir, de publier leurs protestations. 

Que mes lecteurs me pardonnent l'exceptionnelle longueur de ce billet!

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