Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sceptique
11 septembre 2016

LES CIVILISATIONS MEURENT-ELLES DE VIEILLESSE OU PAR SUICIDE?

Il y a des arguments en faveur de chacune des hypothèses, surtout de nos jours, où les échanges écrits et verbaux ont pris des dimensions inouïes, en quantité, en audience, en vitesse.

Nous ne savons pas exactement comment ont fini les grandes civilisations de l'antiquité, situées au Moyen-Orient (Mésopotamie, Égypte, Grèce). Des actions violentes menées par les "barbares", les "peuples de la mer", des peuples qui n'ont pas laissé d'autres traces que les destructions qu'ils ont semées sur leur passage. L'empire gréco-romain, qui régnait sur le pourtour méditeranéen, a succombé, à l'ouest, sous les coups des peuples germaniques, et à l'est, des siècles plus tard, sous ceux des arabes, puis des turcs.

À première vue, les rapports de forces, les capacités militaires, ont été déterminantes. Les nostalgiques mettent en cause la dégénérescence des civilisations disparues, par leur faute, en quelque sorte.

Cette idée de dégénérescence a été reprise par les prophètes d'aujourd'hui, la prise de conscience, étant, à leurs yeux, la seule façon de réagir et de bloquer le cours de l'histoire. Si le survol de l'histoire, telle qu'elle a été racontée par des témoins, me donne l'impression que les hommes ne la maitrisent pas du tout, les mêmes se font forts d'arrêter la présumée glissade vers le néant, ou de la dévier vers un autre modèle, forcément meilleur.

Il y a quand même des phénomènes collectifs, associés au présent, à base de dénigrement des acquis des sociétés modernes, de leur refus, même, pour des motifs à base d'ignorance ou de rumeurs destructrices.

Leur importance, l'étendue des contestations des acquis des sciences et des technologies, les blocages violents qu'elles motivent, donnent le sentiment que notre civilisation est intimée de s'arrêter là, et même, de reculer de quelques décennies. Ça ne parait pas beaucoup, mais, en fait, en une décennie, de nombreux progrès, dans toutes les disciplines, dans toutes les techniques, sont proposés.

Et cette reculade, cette marche arrière, n'émeut pas plus que ça ceux qui sont mis en position d'arbitres. Les défenses des progrès acquis, de ceux qui sont annoncés, et, d'avance, condamnés, ne mobilisent pas leurs bénéficiaires. Au contraire, nombreux sont ceux qui sont saisis par le doute, et se rangent sous la bannière des défenseurs de la nature originaire.

Le "Monde" daté d'hier, Samedi 10 Septembre 2016, donne des chiffres de la méfiance envers la vaccination, un acquis de la science dont les prémices apparaissent à la fin du 18ème siècle (Jenner et la variole), et qui se prolonge jusqu'à nos jours, où de nouvelles maladies infectieuses continuent d'apparaitre, et n'ont pas de solution thérapeutique. Seule la mise au point d'un vaccin est susceptible de les enrayer, mais le projet est immédiatement combattu, au nom de la nature.

Toute l'Europe est touchée par le phénomène, mais les français peuvent revendiquer la première place. Des raisons "hexagonales" sont invoquées, comme l'incroyable campagne, prise en mains par l'État, contre la grippe A1H1N1. Ravageuse à ses débuts, au Mexique, en Amérique du Nord, cette nouvelle grippe a mobilisé l'OMS et les médias. Le temps que le vaccin soit prêt, le phénomène s'était spontanément dégonflé, et la population, rassurée, ou inconsciente, a déserté les centres de vaccination. Des millions de doses sont restées sur les bras de notre État.

Depuis cette vraie-fausse alerte, la réelle dangerosité de la grippe pour les personnes fragiles ou âgées est ignorée par ses éventuelles victimes, qui délaissent la dose annuelle du vaccin mis à jour, offerte par l'Assurance Maladie.

Par ailleurs, diverses officines de "médecine naturelle", rassemblant des médecins devenus fous et des charlatans professionnels, recrutent des adeptes, bien portants ou hypocondriaques, ravis de se soigner tout seuls, en apparence au moins, avec les produits magiques et universels proposés. Comme leurs pathologies sont imaginaires, ils continuent d'être malades et bien portants, "increvables", même. Malades et officines sont alliés dans l'auto-satisfaction et le militantisme. Les vaccins, sous prétexte de présence d'aluminium dans leur excipient, font partie de leurs cibles*. Mais, de temps en temps, des retours ponctuels de maladies oubliées sont signalés. La majorité des cibles possibles étant encore immunisées, ce retour reste limité, assez facilement contenu.

Les alertes sont vite oubliées. Elles n'ont aucun effet sur la position des anti-vaccins**, au contraire, puisqu'ils peuvent mettre en doute leur efficacité. La médecine scientifique n'est plus écoutée par les bien-portants, majoritaires, quoi d'en disent les contempteurs de notre civilisation. Et la science, de plus en plus souvent, est considérée comme une simple idée, comme une autre, et "mise aux voix". Dans les circonstances ordinaires, elle ne gagne jamais. 

La santé bénéficiant d'autres facteurs que la science médicale et pharmaceutique, son niveau général reste bon, positif en termes d'espérance de vie. Mais des maladies infectieuses nouvelles apparaissent, et diffusent rapidement grâce aux multiples voyageurs qui vont et viennent d'un bout du monde à l'autre, et ramènent ces petits trésors***

L'opinion et les médias qui l'accompagnent sont maintenant plus attentifs aux méfaits de notre civilisation qui n'arrête pas l'offre d'artefacts***, et qui produit diverses nuisances qui touchent notre environnement (air, eau, climat, peut-être.) Le zèle des réformateurs s'enlise dans la résistance des "victimes", "accrocs" à cette drogue qui s'appelle énergie, sous toutes ses formes. Les sacrifices de quelques sages n'entament pas la dépendance des masses. Qui opposent une résistance tenace à la demande de modération. Elle ne concerne que les "autres".

Suicide collectif, ou désastre subi, pour le moment, les prophètes ne sont pas fixés. Ils ne sont réunis que par le clap final, la disparition de l'humanité, la cause de tout le mal, et de la connaissance de l'histoire. Après nous, un silence certain.

Sceptique

*Les médecins impliqués, retraités, ne sont pas sensibles aux condamnations du Conseil de l'Ordre.

**Les anti-vaccins sont à l'oeuvre depuis plus de cinquante ans. Ils sont patients.

***Par le coût des prises en charge des voyageurs revenus malades, gravement.

****Ensemble des inventions humaines, du galet aménagé à la machine la plus sophistiquée.

Note du 11 Septembre 2016: L'éditorial du "Monde" paru hier, mais qui ne me parvient que le lendemain matin, reprend l'information qui nous place en tête des "anti-vaccins" (dont plusieurs sont l'oeuvre de notre Institut Pasteur), la déplore comme signe d'obscurantisme, mais ne lui donne pas la place que je lui donne d'une régression, annonciatrice d'autres rejets de la science. Il reste sur le terrain de la prévention sanitaire.

Publicité
Publicité
Commentaires
S
correction: il y a encore, bien sûr, des crises....
Répondre
D
J'ajoute à mon commentaire précédent le nom d'un autre auteur beaucoup plus important sur ce qui nous intéresse: A. Toynbee, grand historien britannique Son ouvrage "A Study of History" se propose de tirer les enseignements de la vie, du développement, de la "viellesse" et de la mort des civilisations connues. Selon Toynbee, ces ensembles humains progressent par une succession de réponses à de grands défis ; puis ils déclinent lorsqu'il leur devient impossible de bien réagir aux stimuli du monde. Pour décrire le processus de nécrose à l'œuvre, tôt ou tard, dans la civilisation «grisée par le succès», Toynbee recourait à la trilogie grecque: koros - hybris - atè, que l'on pourrait traduire par «satiété - démesure - désastre». La satiété, il semble que le vieil Occident l'ait connue grâce au triomphe, voilà un bon demi-siècle, de l'Etat-providence et de ses avantages. La démesure, elle règne depuis un quart de siècle, et creuse partout des déficits abyssaux, impuissants à combler les besoins sans cesse accrus de populations couvées. Le désastre, à présent, nous guette...
Répondre
D
Merci de commentaire très intéressant et éclairant. Je vais juste compléter ton questionnement du début du billet. Sur la mort ou la théorie du déclin des civilisations, l'histoire des idées nous en apprend beaucoup. Le "Déclin de l'Occident" (Der Untergang des Abendlandes) par exemple d'Oswald Spengler, publié en 1918 est un essai qui a fait date à ce sujet. L'auteur y développe une grande synthèse historique où il critique la conception traditionnelle de l'histoire vue comme une série de processus interdépendants, bien que divisibles en périodes. Il estime que l'histoire du monde consiste en des cultures indépendantes les unes des autres qui suivent un cours cyclique.<br /> <br /> <br /> <br /> Spengler distingue huit niveaux de culture. On peut, dit-il, penser la culture par analogie avec l'organisme vivant : elle naît, elle a une jeunesse et une maturité, elle décline et elle meurt.<br /> <br /> <br /> <br /> Inspiré tant par la philosophie goethéenne des formes et le pessimisme nietzschéen que par l'organicisme, le darwinisme social, le romantisme politique de Burke et la périodisation retenue par certains historiens de l'art du début du XXe siècle (Wölflin, Worringer) – il se rapporte à la généalogie du pangermanisme en faisant écho aux velléités idéologiques du peuple allemand et à son glissement insidieux vers le régime nazi.
Répondre
Sceptique
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité