EMMANUEL MACRON ET L'AFRIQUE.
La France est impliquée, sentimentalement, et concrètement, dans l'histoire de l'Afrique sahelienne et sub-sahelienne. C'est elle, qui, pour des raisons étrangères à cette vaste zone, l'a conquise, pacifiée, gouvernée, équipée. Mais elle n'en a pas changé la géographie, le climat, les hommes qui l'occupaient, les uns sédentaires, cultivateurs et éleveurs, les autres nomades, vivant des trafics trans-sahariens.
Les premiers ne sont pas des guerriers, les autres oui. L'histoire de l'humanité permet le constat que le nomadisme "ne nourrit pas son homme", et qu'il faut que de temps en temps, le nomade se serve dans les provisions des sédentaires. À ces derniers d'apprendre à se défendre.
Quand, au long du dix-neuvième siècle, les européens, anglais, allemands, portugais et français, sont sortis de leurs comptoirs côtiers pour "sécuriser" le nord de leur zone d'influence, au contact du Sahara, ils se sont heurtés aux nomades qui dominaient ces zones, et les ont repoussés vers le désert. Ils étaient mieux armés.
La décolonisation, à peine un siècle plus tard, s'est imposée une condition: ne pas toucher aux frontières extérieures des "patchworks" ethniques qu'étaient toutes ces colonies. Il est vrai que les indépendantistes s'étaient partout unis pour combattre leur colonisateur, remettant à plus tard leurs problèmes de hiérarchie.
Il n'a pas fallu longtemps pour que ces assemblages "exogènes" soient le siège de coups d'état, visant à rétablir la hiérarchie pré-coloniale, faisant la part belle aux ethnies nomades et guerrières. Les français se sont distingués en acceptant de rétablir l'ordre, troublé par les coups de force des militaires. Un homme armé en vaut plusieurs, c'est vrai partout.
Peut-être à cause de cette garantie, les dirigeants des ex-colonies n'ont pas remis en cause ce principe des fontières léguées par la colonisation, malgré leurs inconvénients, comme des conflits ethniques ou religieux rémanents.
Le Président Macron a hérité d'une situation particulièrement difficile, celle du Mali, pays qui a la forme d'un papillon, avec une aile sahélienne, et une autre saharienne, avec des peuples du désert, une autre culture, celle des armes, en particulier, une autre économie, reposant sur les divers trafics trans sahariens.
La divergence des intérêts des nomades et des sédentaires est évidente. Si la revendication séparatiste des nomades heurte les beaux principes, son refus est lourd de menaces d'insécurité permanente. L'opération Barkhane empêchera, tant qu'elle sera maintenue, le "bon" ordre.
Pour le moment, il y a une continuité dans l'action de la France, décidée par François Hollande il y a bientôt cinq ans. Il vaut mieux, pour les maliens, qu'elle se prolonge, mais l'approbation des français pourrait fléchir.
L'indépendance, ou l'autonomie, du Nord-Mali s'imposera tôt ou tard.
C'est probablement ce qu'il y a dans la tête du Président. Les mises en cause de l'action anti-Khadafi de Sarkozy ne font pas oublier les causes, anciennes et permanentes, des problèmes de cette région "tampon".
Sceptique
Note du 3 Juillet: Les médias étaient très émus, hier, par les propos, sentant le comminatoire, du Président français à ses homoloques malien et voisins (Burkina Faso, Niger, Tchad...). Conscient de l'impasse d'un maintien de l'ordre uniquement, ou presque, par les forces françaises, Macron voudrait voir la constitution d'une force d'élite sahélienne, pouvant épauler sérieusement les forces françaises.
Le saut qualitatif à franchir pour aboutir à cette équivalence, n'est pas possible, quel que soit l'argent placé dans l'opération. Je ne vois pas à brève échéance le retrait des forces françaises, des aides technologiques diverses qui lui sont assurées par les américains.
Si le monde libre veut contenir le djihadisme sur ce front, il faut qu'il en assume les moyens. Ce n'est pas cette partie de l'Afrique qu'il défend, mais une position frontalière avancée.
La France fournissant les unités aguerries et familières du terrain, l'Union Européenne et les États-Unis doivent apprécier le service rendu, et contribuer au financement. Les pays africains concernés ne le peuvent absolument pas.
Sceptique