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Sceptique
11 septembre 2008

"Les français sont des italiens de mauvaise humeur".

Les français sont, il n'y a plus de doute depuis vingt ans ou plus, les champions d'Europe, peut-être du monde, de la consommation de médicaments "psychotropes"*, tranquillisants et anti-dépresseurs. Tout le monde s'en alarme, au premier chef l'Assurance Maladie, qui rembourse les prescriptions, mais aussi les responsables de la santé publique, et les notables de la psychiatrie, qui protestent contre la paresse intellectuelle de la prescription systématique. Le monde politique préfère se tenir coi, peu soucieux d'explorer plus avant la morosité nationale. De toute façon le coupable est connu: le médecin généraliste, en première (et dernière) ligne du front de l'angoisse et de la tristesse. À 80%, c'est lui qui prescrit en première intention les tranquillisants, les anti-dépresseurs, ou les deux à la fois, ce qui est logique. Il n'a qu'une faible formation. La médecine française est cartésienne, rationaliste, scientifique. Le mal de vivre ne s'objective pas. Les maladies ont une cause, mais aucun sens, encore moins une nécessité. Mais les patients sont là, et ils savent ce qu'il faut dire au médecin pour attirer son attention. Un savoir circule entre patients et médecins. Les questions et les réponses sont rodées. Le praticien doit en un quart d'heure savoir à quoi il a affaire et ce qu'il doit faire. L'essentiel de son initiation post-universitaire vient des visiteurs médicaux qui ne se perdent pas dans les finesses du psychisme mais en savent beaucoup sur les synapses**. À chaque dysfonctionnement de synapse son remède spécifique. Il est seul, de plus en plus. Frappée par le malthusianisme anti-spécialiste des années 1980 et suivantes, la psychiatrie s'étiole et ce qu'il en reste est de moins en moins disponible. Il y aurait bien les psychologues, nombreux et compétents, mais leurs interventions ne sont pas prises en charge par l'assurance maladie, et les médecins ont du mal à sortir de leur corporation. L'avantage de ce "diagnostic", c'est qu'il est facile d'en rester là et de tirer sur le carabin. "On" cogite sur le calibre à employer. L'écrivain Pierre Daninos faisait dire à un de ses personnages:"les français sont des italiens de mauvaise humeur." C'était bien des années avant l'apparition des psychotropes. Ma longue fréquentation de mes compatriotes et de moi-même me permet de confirmer que dans nos rapports entre nous et avec la société en tant qu'abstraction, nous ne sommes pas des rigolos. À part dans le midi, l'humour est un métier, qui consiste d'ailleurs à capter et à nous retourner nos rouspétances. Comme elles viennent de l'humoriste en scène, nous ne les reconnaissons pas et nous en rions (nous voulons bien payer pour rire, mais pas pour être heureux!). Bref, nous sommes grincheux, et de temps en temps, nous nous laissons envahir par le mal-être, nous nous enfermons dans le cercle vicieux de la peur, du doute, du pessimisme. Autrefois, il y avait l'alcool ou la prière. Le premier sert encore, la deuxième n'a pas fait la preuve de son efficacité. Les médicaments font indiscutablement mieux pour faire dormir, sans gueule de bois, et oublier nos tracas. La question que je me pose, et que je jette à la mer, est celle-ci: notre fragilité émotionnelle, nous exposant à la violence, ou à l'effondrement, puisqu'elle a peu de chances d'être génétique***, ne serait elle pas culturelle, arrimée à notre histoire, qui, elle, l'est à notre géographie, à notre climat, dont les avantages ont fait de nous des ruraux, mal à l'aise dans les villes et les métiers qui nous ont déracinés? Notre géographie nous a exposés à diverses conquêtes ou invasions, qui nous rabattaient pour quelques générations à la condition de serfs, ce qui est sûrement la moins agréable, la moins prometteuse, des conditions. Goscinny et Uderzo nous ont fabriqué sur mesure des héros comme nous aurions aimé être, et que nous adorons pour cette raison. Mais c'est la réalité qui a fait ce que nous sommes. Sceptique *Psychotropes: médicaments qui ont une action évidente sur notre fonctionnement mental. Des substances, qui ne sont pas ou plus des médicaments, font de même: alcool, opium, cannabis, entre autres. **synapses: sorte d'interrupteurs, qui établissent, ou interrompent, le passage d'informations élémentaires entre les cellules nerveuses (neurones). Notre pensée s'élabore dans des réseaux très complexes de millions de neurones. ***génétique: des anomalies très diverses du patrimoine génétique semblent faciliter la survenue de troubles de l'humeur graves. Mais la part de ces situations est réduite.
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