4 avril 2009
La maladie mentale, définie par son ignorance.
J'ai vécu ces derniers jours, ces dernières heures, une convergence d'informations ou de discours qui me ramènent à un sujet qui m'est familier: l'ignorance voulue, systématique, "militante", de la maladie mentale, dans toutes les sociétés. Ce qui m'a amené à la conclusion que cette universalité avait un sens, une fonction de symptôme. Mais un symptôme invisible et inaudible.
Ce fut d'abord le rappel, par un long article du "Monde", d'une douloureuse affaire de meurtre d'une jeune fille, par un jeune homme dont la seule possibilité d'exprimer son attirance sexuelle était la violence possessive, niant le droit de l'autre à disposer d'elle-même. Le prologue de ce drame avait duré des années, avait concerné plusieurs "objets" choisis par ce jeune homme, et soumis à la même rudesse impérieuse d'un sentiment qui n'était,ni à discuter, ni à "prendre ou à laisser". Je t'aime, donc, tu dois m'aimer.
À aucun moment de cette longue histoire, le savoir du psychiatre ne fut convoqué. Tout fut réglé en famille, et réparé directement, à l'amiable. Ceux qui furent appelés au secours par la future victime, ne savaient pas, et ne prirent pas la dimension des faits. Le passage à l'acte en fut la conclusion.
Le jour même de cette lecture, ce fut l'arrivée dans mon courrier de la protestation d'un syndicat de psychiatres contre les préjugés exprimés en leur présence par le Président Nicolas Sarkozy, sur la bonne pratique de leur profession. Il n'est pas de profession qui aime qu'on vienne lui dire comment elle "doit" s'exercer*. Dans le cas particulier de la psychiatrie, il existe deux façons, en fait, circonstancielles, de la critiquer: 1) elle enferme, contre leur gré, des gens normaux, se faisant l'exécutrice de "lettres de cachet". 2) elle laisse sortir de ses asiles des fous dangereux, qui sèment la mort et la désolation dans la population "normale".
Ces deux positions peuvent parfaitement cohabiter. Tout dépend de la distance entre le malade et le témoin. Les témoins proches prennent habituellement la position 1. Les témoins lointains la position 2. Depuis que le Démon n'est plus le manipulateur de l'âme, cette dualité des sociétés modernes est d'une remarquable stabilité.
En France, sûrement, peut-être, ailleurs, la politique s'est emparée de cette bonne raison de se diviser. Il n'y en a jamais trop!
Alors, la Gauche a choisi naturellement l'exclusivité de la position 1: les psychiatres ne pratiquent que l'internement arbitraire et imposent leurs "soins". Dans les années 80, la Loi de 1838 fut remplacée par une autre, mettant, théoriquement, le soin psychiatrique sous contrôle judiciaire, garanti aux malades.
La droite, émue par les faits divers tragiques, s'est placée radicalement sur la position 2: les psychiatres prennent à la légère la sécurité publique. Comme les juges pourraient, dans ces cas, être plutôt du côté des psychiatres, c'est le Ministère de l'Intérieur qui devrait être chargé de vérifier l'étanchéité des murs de l'hôpital psychiatrique.
Pour la raison (ou la déraison) que je rappelle, cette rubrique ne peut se tarir. Chaque jour rapporte une nouvelle tuerie, à l'aveugle, ou ciblée sur la famille. C'est le passage à l'acte qui révèle la motivation pathologique du tueur. C'est une surprise pour tout le monde. Il n'est pas rare, pourtant, que ses familiers disent avoir remarqué quelque bizarrerie, quelque modification de l'humeur ou des rapports sociaux de l'auteur du massacre. Le "respect humain" a protégé les prémices de la crise.
Pas de risque zéro, donc, quelle qu'en soit la raison: méconnaissance, ou sortie "hasardeuse", ainsi définie après-coup. Comment faire mieux, quand même? Pas en "tenant les mains", d'une manière quelconque, des professionnels.
Arrêter l'organisation de la pénurie, en marche depuis vingt ans, et dont les effets se font sentir chaque année un peu plus. Accepter le prix du soin psychiatrique, malgré son apparente inefficacité. Les espoirs nés de la psycho-pharmacologie et des psychothérapies diverses ont été déçus, certes. Mais ce n'était pas "de l'argent foutu", comme on l'a pensé, et agi, trop vite.
Sceptique
*"Oublier" la dimension citoyenne de sa profession, sa participation à l'harmonie de l'ensemble, est plutôt général. Le "MOI" est toujours la première ligne de défense. La corporation est la muraille imprenable qui met vraiment à l'abri des assiégeants qu'on appelle "les autres".
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