La guerre de cent ans....revient!
"Le français se meurt, le français est mort!" L'oraison funèbre ne va pas plus loin. Le diagnostic de l'urgentiste, et son traitement, suivent:"Boutons l'anglais hors de France"!
Pourtant, l'Angleterre est maintenant bien gentille. Elle est le musée nostalgique de notre monarchie, qu'à cette distance nous pouvons aimer. Et, puis question économie, à part la City, nos biscotaux soutiennent la comparaison, depuis quelques décennies. Les nouveaux "godons" sont américains, et eux, ils sont encore les plus forts!
L'outrance, la haine, la pensée magique, pourraient-elles sauver notre belle langue, d'une mort annoncée?
Au fait, quelle mort? Certes, quelques millions de français, pas loin de soixante-cinq, la malmènent chaque minute, la piétinent, la tordent, l'amputent, la rudoient, la salissent. Mais sitôt qu'ils se taisent, elle leur échappe et se réfugie dans les bibliothèques, les librairies, ou dans ses appartements privés, les dictionnaires. Jusqu'à ce qu'elle soit débusquée, arrachée à sa cachette, pour un nouveau mauvais quart d'heure à passer.
Moi, je trouve qu'elle a la vie dure. Sa résistance est admirable. Si, à mon insu, quelque part en France, un locuteur arrive à lui faire la peau, elle doit ressusciter, telle le Phénix, car je ne m'en aperçois pas.
S'occupe-t-on d'elle? Va-t-on à son secours? Des nuées de médecins, oui. Très inquiets, très empressés. Ils sont d'accord avec le diagnostic: "l'anglais, vous dis-je". Et avec le traitement "Purgare, ensuita, saignare".
Le porteur de germes, c'est le libéralisme anglo-saxon. "Si l'Angleterre entre en Europe, le français en sortira "(les pieds devant), aurait prédit Jean-Noël Jeanneney. Nous ne pouvons ignorer la douloureuse expérience de nos cousins québécois, qui n'avaient pas affaire qu'à quelques colonies de wasps*! De vraies nuées venimeuses. Qu'il leur a fallu dresser, le mot apprivoiser n'étant pas assez fort.
Toute cette glose est bien ridicule! Même si mes oreilles, et mes yeux, souffrent, quotidiennement, du massacre, par ignorance, de la langue française, ce n'est pas hors de notre société que j'irai prendre par les cornes le bouc émissaire.
Et la solution qui consisterait à l'empailler ou à la momifier, à la mettre sous protection policière, me parait indigne et inefficace. Nous n'avons pas à défendre la langue française, mais par contre, nous avons la responsabilité de la faire vivre. C'est une affaire strictement franco-française.
Ce qui peut nous arriver de l'étranger, ce sont les encouragements, le réconfort. Si notre langue ne sert plus beaucoup au commerce international, à la finance, à la diplomatie, elle est toujours aimée comme une oeuvre d'art. Il y a beaucoup de réparateurs en langue française qui restaurent ce qu'ils ramassent dans nos décharges. Qui font concurrence à nos lettrés, mettant sur le marché des oeuvres admirables, sur lesquelles nous nous jetons. Hector Bianchiotti, Milan Kundera, Andreï Makhine, Tahar Ben Jelloun, Jorge Semprun, et bien d'autres que je ne connais pas encore, écrivent leurs oeuvres dans un français qui nous régale.
Nous convaincre que nous possédons une langue aimable, à défaut de l'être toujours nous-mêmes, pourrait adoucir nos moeurs, après tout. La peur, la haine qu'elle induit, sont des sentiments qui nous rongent, sans aucun bénéfice.
Sceptique
*Je n'ai pas résisté au jeu de mots "en anglais" entre wasp, la guêpe et WASP (white anglo-saxon protestants), uniques objets de nos ressentiments.