Henri Atlan et le Principe de précaution
Dans le Monde daté des 28 et 29 Mars 2010 (page Débats-16), Henri Atlan livre une réflexion remarquable sur l'abus du principe de précaution et sa conséquence, multiforme, la religion de la catastrophe.
J'ai écrit multiforme, car la religion de la catastrophe touche toutes les sciences appliquées, mais à l'occasion, aussi, les sciences fondamentales. La récente remise en route du LHC européen a provoqué des fantasmes de fin du monde.
Henri Atlan n'aborde dans cet article que le changement climatique et son origine anthropique supposée. Halte là, s'écriront certains, Henri Atlan...N'EST PAS CLIMATOLOGUE!
Effectivement, il est biologiste, de renom, et philosophe, comme un certain nombre de biologistes ou de savants. La connaissance appelle la connaissance, qui s'élargit à la condition humaine. Quant aux climatologues, enfin, ceux qui le sont vraiment, ils ne sont pas nés climatologues. Ils apprennent les fondements, larges, de leur science, et l'usage des outils mathématiques à la disposition de toutes les sciences.
Sur quelle partie de la climatologie catastrophiste porte la critique d'Henri Atlan? Sur l'utilisation de modèles, "moulinés"* par des ordinateurs puissants, qui vont produire des résultats, tenus pour non discutables. Or, pour que ces calculateurs super-puissants puissent venir à bout des calculs qui leur sont demandés, il ne faut pas que ces calculs soient trop compliqués! Les phénomènes météorologiques sont analysables par la théorie du chaos, qui postule que l'évolution d'un phénomène complexe dépend des conditions initiales, mais sera variable en fonction des facteurs rencontrés en cours d'évolution. Diable! Un exemple "simpliste": si vous tirez un coup de canon vers l'Est, l'obus tombera à l'Est du canon, c'est sûr. Mais où, exactement? Cela dépendra des différents vents rencontrés dans les couches de l'atmosphère traversées.
Malgré ses progrès, la prévision météorologique reste globalement brocardée pour son imprécision. Chacun voit, ou ne voit pas, la pluie à sa porte. L'exigence suit la même pente que l'offre. Pourquoi? Parce que, malgré la puissance des calculateurs, il n'est pas possible d'y introduire tous les paramètres existants, sous peine de rendre impossible leur tâche .
La prévision à long terme, ou à très long terme, est frappée par l'imprécision, pour les mêmes raisons, mais aggravée par le nombre de paramètres seulement probables, à introduire, en nombre limité, dans les modèles. Les résultats en provenance de diverses équipes seront éventuellement contradictoires. En ce qui concerne le GIEC, et c'est sur ce point que porte la critique d'Henri Atlan, sa mission est de conforter la vérité établie à l'avance d'un réchauffement climatique et de sa cause humaine. C'est l'équivalent d'une demande faite à des policiers de réunir les preuves de la culpabilité d'un coupable désigné.
Entre l'intérêt bien compris qu'il y a d'être "prophète de malheur", pour justifier plus facilement les erreurs possibles, et la bonne exécution de la mission fixée: apporter des arguments scientifiques au réchauffement climatique de cause humaine, on peut comprendre que le résumé des rapports du GIEC alimente systématiquement les convictions préexistantes.
Henri Atlan ne manque pas d'observer la dérive des inquiétudes écologiques vers un mode de penser religieux et totalitaire (un bien "collectif" doit être imposé), et il ajoute qu'il implique une "préférence communautaire", consistant à se détourner des malheurs authentiques des pays pauvres ou en voie de développement**, au nom d'un "sauvez la planète" abstrait.
Sceptique
*Terme imagé appartenant à Claude Allègre
*Des mesures, qui ne sont que des messages publicitaires, sont périodiquement proposées par la grande distribution, qui se trouve assez détestée comme ça, visant à sanctionner les importations venant du tiers monde, ou certains produits qui contribueraient à la déforestation, comme l'huile du palmier à huile. Comme si leurs forêts nous appartenaient! Drôle de néo-colonialisme!