Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Sceptique
9 janvier 2011

Nos juges sont-ils nos victimes innocentes?

À l'occasion d'une affaire criminelle, une moisson suffisamment importante de commentaires d'internautes, pour lui donner une valeur de sondage, permet de constater: 1) Que les citoyens qui s'expriment sont extrêmement sévères, condamnant à "perpète" beaucoup de criminels, occasionnels ou préméditants. 2) Qu'ils sont aussi nombreux, ce qui donne à penser qu'il y a une base commune, à dire que finalement ces criminels ne risquent rien, parce que les juges les remettront en liberté.

Ce n'est évidemment, ni vrai: certains criminels, auteur de faits particulièrement odieux, sont lourdement condamnés, ni faux: des délinquants, auteurs de faits sérieux, sont laissés en liberté provisoire avec contrôle judiciaire, tandis que des condamnés potentiellement dangereux sont relâchés, bénéficiant des remises de peine habituelles,et de l'entière disposition de leur liberté.

Notre justice applique les lois, mais au terme de débats contradictoires, les procès. Quant à la phase initiale de n'importe quelle affaire, elle est toujours délicate: même pris sur le fait, un couteau ensanglanté ou un pistolet encore chaud à la main, l'auteur du crime n'est que "présumé". Coupable ou innocent. De plus, le juge, d'instruction ou du placement en détention, doit tenir compte de la crise du logement. Elle concerne aussi les prisons!

Une autre circonstance gênante et mystérieuse: les juges d'instruction chargés des affaires les plus délicates travaillent dans des bureaux truffés de micros, branchés directement sur les rédactions de nos journaux généralistes. Les lignes directes avec les greffes complètent les dispositifs, et, en cas de défaillance, il y a des bénévoles en réserve dans tous les bons ministères.

Il en résulte que les jurys populaires qui représentent les citoyens au cours des procès d'assises, et, prochainement, aux procès correctionnels, sont doublés, avant et pendant les procès, par l'ensemble du peuple, auquel les pièces du procès sont fournies au jour le jour par la presse écrite, parlée, ou télévisée. Les dites pièces sont un peu retravaillées pour leur donner la meilleure vraisemblance.

Il faut l'admettre. Tout ça fait désordre. Les grandes enquêtes et les grands procès sortent des bureaux et des prétoires pour se répandre dans les chaumières*. Dont les occupants tapent sur leur ordinateur et expédient sur l'Internet leurs attendus et leurs conclusions. Et il n'est pas démontrable que les juges ne tiennent aucun compte de l'avis de ce jury extensif.

Contrairement aux apparences, nous, français, nous tenons à notre système, d'une justice restant au plus près du texte des lois.  Si nous sommes admiratifs de la justice coutumière anglaise (sa dérive étasunienne nous plait nettement moins), l'exemple de nos cousins québécois**, abandonnés au vainqueur anglais il y a plus de trois siècles, montre que nous ne y ferions pas.

Pour nous redonner confiance dans notre justice, et redonner à notre justice sa confiance dans le peuple et ses représentants, sur quel paramètre devrions-nous porter nos efforts?

En premier lieu à cette question de l'espionnage permanent de l'instruction, dès que l'affaire a une dimension nationale. Que n'importe quelle information soit transmise en temps réel à une quelconque rédaction correctement branchée à cette seconde là, est insupportable. Puisqu'on ne peut s'en prendre aux heureux bénéficiaires, les fournisseurs doivent être traqués systématiquement et mis à pied immédiatement. Les informations y perdront en "croustillance", mais la présomption d'innocence en bénéficiera.

En deuxième lieu, l'instruction*** ou le parquet devraient être tenus à motiver leurs décisions, même en termes prudents, pour couper court aux incompréhensions des victimes et du peuple.

En troisième lieu, les magistrats devraient être plus responsables de leurs naturelles défaillances, non pas en audience publique, mais devant une instance disciplinaire plus étoffée et plus disponible, un CSM comprenant des instances régionales, en plus de son instance nationale. Quelque chose comme l'Ordre des avocats, ou celui des médecins****.

Reste la question du dernier mot. Doit-il être celui de la justice, ou celui de la politique? Puisque la justice juge au nom du peuple français, et que le dit peuple français délègue son pouvoir à une démocratie représentative, il me semble que la boucle se referme sur les prérogatives de la représentation nationale, dont l'expression majeure est le Président de la République, élu au suffrage universel direct, assisté par son Gouvernement, et sa majorité au Parlement. Il faut cependant préciser que le pouvoir politique ne peut qu'exprimer une critique, et corriger un point faible de la Loi, à titre préventif, mais aucunement corriger autoritairement une décision de justice!

Le Procureur auprès de la Cour de Cassation, le magistrat du grade le plus élevé du Parquet, a proprement engueulé le Chef de l'État et son Ministre de l'Intérieur, en raisons de leurs critiques franches d'actes de Magistrats, ainsi atteints dans leur indépendance. L'indépendance de la justice est certainement très importante. On ne sait pas ce qu'on gagne de l'existence et du respect de ce principe. Mais, en même temps, la justice est rendue par des hommes, et non par des machines bien programmées. Un homme est toujours susceptible de commettre une erreur ou une faute. La première est, en principe, corrigée par les recours, Curieusement, la seconde semble protégée par la solidarité professionnelle.

Sceptique

*Il n'y a plus guère de chaumières en France, mais le mot est si beau!

**Les français du Canada...français, devenus sujets de la Couronne du Royaume Uni, furent assujettis naturellement au système judiciaire britannique. Dès qu'ils purent représenter une force politique, ils demandèrent, et finirent par obtenir, que le système français, fondé sur le Droit romain, leur soit appliqué, par exception.

***L'Ordre des Médecins est le seul qui apparaisse comme "scandaleux". Sa disparition faisait partie du programme de François Mitterand. L'argument de ses contempteurs était "qu'il n'était pas normal qu'un professionnel soit jugé par des membres de la même profession". Je ne sais pas pourquoi sa dissolution ne fut pas prononcée. Sans doute quelqu'un leur fit remarquer que toutes les professions sont jugées en première intention par leur propre instance disciplinaire. Si on supprimait l'Ordre des Médecins, il fallait liquider celui des avocats, des notaires (chambres), des experts-comptables, l'IGAS, l'IGS, etc, etc. 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
P
"même pris sur le fait, un couteau ensanglanté ou un révolver encore chaud à la main, l'AUTEUR DU CRIME est présumé...innocent. <br /> Il ne l'est pas pour vous!
Répondre
Sceptique
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité