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Sceptique
26 mai 2012

Élection Présidentielle en Égypte. Un enjeu immense.

On peut se réjouir de ce que, il y plus d'un an, une révolte populaire soit parvenue à chasser du pouvoir le dernier représentant de la dynastie militaire inaugurée par Gamal Abd El Nasser*, jeune officier nationaliste, humilié par les échecs de l'Égypte face à l'État d'Israël, et les pertes territoriales imposées par le vainqueur. Ce pouvoir, maintenu par "tacites reconductions" et élections fictives, était complètement coupé des classes moyennes et populaires.

Comme ce n'était pas sur les occidentaux qu'il pouvait compter pour imposer un rééquilibrage, le chef de l'Égypte se rapprocha progressivement de l'ennemi des occidentaux, la Russie soviétique, et adopta sa culture économique, sa méfiance paranoïaque, l'autoritarisme du parti unique.

Une nationalisation du Canal de Suez**, l'humiliation, cette fois, de l'expédition franco-anglaise pour obliger Nasser à revenir sur sa décision, son sauvetage par la pression des deux gendarmes du monde, cette fois là d'accord pour condamner les deux nations liguées, l'une pour punir Nasser de son soutien à la rébellion algérienne, l'autre pour défendre ses liaisons maritimes avec son ancien empire. Israël avait participé à la punition, en attaquant le premier, et avait encore une fois anéanti les forces aériennes de l'Égypte, et atteint la rive Est du canal. L'intercession de l'ONU avait permis l'évacuation par Israël du Sinaï, son retour derrière ses frontières de 1949. Mais, sous la garde des contingents de l'ONU, la liberté d'accès au port d'Eilat était garantie.

Mais moins de dix ans plus tard, Nasser exigea de l'ONU le retrait de ses contingents, et bloqua le détroit de Tiran. Par ailleurs, il réactiva les alliances, en principe défensives, avec les pays arabes du proche-orient. Israël se décida à une action préventive, détruisit par une attaque surprise la majeure partie de l'aviation égyptienne, et lança l'offensive terrestre vers le canal de Suez à travers le Sinaï. Contre la Jordanie il occupa la Cisjordanie et Jérusalem Est, et enfin il occupa une partie essentielle du Plateau du Golan, frontière avec la Syrie. Les pays arabes, vaincus, cessèrent le combat.

En 1973, les alliés Arabes voulurent profiter de la pause générale observée par Israël pour la fête du Kippour, et lancèrent une offensive générale sur tous les fronts. Après quelques jours difficiles, l'armée israélienne se ressaisit et engagea une contre offensive, victorieuse sur ses trois adversaires. Anouar El Sadate avait succédé à Nasser, mort d'une crise cardiaque. C'est lui qui proposa aux israéliens la paix et l'établissement de relations diplomatiques, l'ouverture réciproque de leurs frontières. Malgré son assassinat par des militaires hostiles à la paix, cette dernière se maintint jusqu'à ce jour. Mais l'hostilité de fond envers Israël persiste, et la reprise de la guerre, avec le soutien populaire, fait partie des incertitudes liées à l'élection d'un nouveau président, assisté d'un Parlement à la composition non discutée. À des degrés divers, l'opinion égyptienne veut en découdre, et ses partis religieux, Frères Musulmans et salafistes, sont les plus chauds. 

Ce qui n'est pas sans inquiéter les partis libéraux et les militaires de haut grade, qui en savent le prix, à court et à moyen terme: l'enfoncement de l'Égypte dans une crise économique très grave, par l'arrêt complet d'une activité touristique, déjà très réduite depuis la Révolution.

Semblent devoir rester en lice, pour le deuxième tour, le candidat des Frères Musulmans, et Ahmed Chafik, le dernier Premier Ministre de Moubarak, avant son abdication. La position de challenger de Chafik serait le reflet de l'inquiétude des égyptiens modérés, qui aspirent au retour de l'ordre, d'une activité économique normale, et, corrélativement, d'un maintien de la paix avec le voisin israélien, aussi détesté qu'il soit. 

Une intervention de l'institution militaire, dont la puissance est encore importante, quoique difficile à évaluer, car traditionnellement peu bavarde, pourrait évidemment "corriger" le résultat, mais aux dépens des citoyens égyptiens, privés de leur liberté d'expression démocratique.

Sceptique

*Le groupe d'officiers, dirigé par Nasser, qui a renversé la monarchie et établi la République, avait installé à la présidence le Général Naguib. Que Nasser renversa deux ans plus tard.

**La nationalisation du Canal de Suez a été motivée par le refus des occidentaux de financer le barrage d'Assouan, grand projet, en particulier pour la production d'électricité, de Nasser. Les conséquences guerrières finirent de rapprocher les égyptiens des puissances communistes. L'effondrement de l'URSS et la paix avec Israël permirent le renversement des alliances et le soutien, intéressé, des américains.

Note du 3 Juin 2012: Questionné, un ami égyptien me révèle que le taux d'abstention important (près de 60%) à l'élection présidentielle, est le reflet de la méfiance des égyptiens quant au sort de leur vote. Et le résultat  a conforté leur pronostic. Ils considèrent que les deux candidats arrivés en tête ne peuvent pas avoir obtenu réellement un tel soutien populaire. Il pensent que les partenaires occidentaux, Israël, et les États arabes, feront tout pour empêcher  une expression radicale des égyptiens.

 

 

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