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Sceptique
13 janvier 2013

MARIAGE ET ADOPTION POUR TOUS.

Je n'arrive pas à vibrer contre cette cause, ni pour, non plus. Je la trouve futile dans le contexte économique et géo-politique que nos sociétés "occidentales" traversent. À son origine, une demande d'annulation de tout le langage qui établit une différence entre les choix sexuels et les filiations. La demande d'une novlangue administrative et juridique, qui irait jusqu'à la disparition, dans les actes, des concepts de père et de mère*.

Énorme pari, si on y réfléchit bien. Mais, à la lumière des expériences précédentes de manipulations politiques de la langue, jouable. Après tout, toute langue est arbitraire dans son principe. Comme Monsieur Jourdain, on fait de la prose sans le savoir. La sacralisation d'une langue est en soi, stupide. "Elle" se défend toute seule, par son usage, et sa production écrite, la littérature. Si l'aptitude à la parole a une racine biologique, la langue, elle, n'en a pas. Elle constitue une convention entre ceux qui la pratiquent. Elle ne meurt pas, elle est parfois abandonnée.

Toute convention qu'elle soit, la langue est indissociable de l'humanité, et le socle de toute culture. Tous les handicaps qui touchent cette fonction sont lourds et peuvent avoir des conséquences graves sur les relations parents-enfants, sur la socialisation de l'enfant. On peut donc comprendre les inquiétudes, les grandes peurs, qui surgissent dès qu'on veut toucher à l'ordre langagier établi. Qui a raison? Ceux qui pensent que les mots n'ont pas d'importance et qu'on peut en changer comme de chemise, ou ceux qui les "gravent dans le marbre" et ne veulent pas en changer, oubliant qu'ils ne parlent pas tout à fait la même langue qu'il y a un siècle?

"Les deux, mon général". Le monde, la société, sont vivants, évoluent, inventent, découvrent, alternent les phases de changement et de stabilité. Les sociétés-dites-modernes acceptent le principe du changement, de la remise en cause de leur fonctionnement à un moment donné, et, surtout, "lâchent la bride" à l'expression des individus qui la composent. La société est pour les individus, et non le contraire. Ce qui n'est pas sans inconvénients, dans les phases de transition, surtout. Au "si Dieu n'existe pas, alors, on peut faire ce qu'on veut"(Dostoievski), succède:"Si la société n'existe pas, on peut faire ce qu'on veut." C'est prendre l'effet pour la cause.

On est quand même, sur cette question, en plein dans ce rapport entre société et individualité. L'homosexualité est un choix individuel, qui ne s'embarasse pas du "destin" fixé par la biologie. Laquelle, par contre, s'oppose à la satisfaction du désir d'enfant. Il faut aller le chercher ailleurs, dans l'adoption, la fécondation par don de sperme, la grossesse par mère porteuse. Ce qui pose des problèmes éthiques....et financiers....donc, éthiques, encore.

Mais c'est surtout l'après qui préoccupe l'opinion. Quel sera le vécu d'un enfant élevé par deux hommes ou deux femmes? Parviendra-t-il à se retrouver dans ce cadre affectif? Sera-t-il libre de choisir sa propre orientation sexuelle au moment où la question se posera pour lui?  La relative nouveauté de la situation ne fournit pas aux responsables politiques des données sûres sur les conséquences de ces modèles de famille (homosexualité féminine ou masculine).

Les spécialistes des troubles psychiques des enfants ont, bien sûr, été consultés par les parlementaires. Ils ne donnent pas tous la même réponse, basée sur de mêmes arguments. Ils sont cependant en majorité inquiets de ce bouleversement, la formation d'une personnalité leur paraissant dans la continuité de la filiation biologique "normale" d'une mère et d'un père, le langage renforçant l'évidence. Que se passera-t-il quand les mots de père et de mère disparaitront, du langage administratif, au moins?

Je n'en ai entendu qu'un se disant favorable à la loi, et mettant au premier plan la stabilité du couple parental comme facteur de sentiment de sécurité affective, essentiel à la maturation harmonieuse de l'enfant, qui s'accommoderait aisément des particularités des adultes qui s'occupent de lui.

De toute façon, il semble bien que ces consultations préalables n'aient pas bénéficié d'une écoute particulière, et modifié les convictions des partisans du "mariage pour tous". La loi du nombre, de la majorité, s'imposera. Les avis des experts, les manifs des opposants n'y changeront rien. 

Notre société est elle en perdition d'être trop libérale, de n'être qu'une enveloppe confortable pour des individus égoïstes et jouisseurs? Cela fait cinquante ans qu'on le dit, cinquante ans qu'on fait le catalogue des expressions de mépris, cinquante ans que des victimes de la tradition pure, dure, et divine, viennent y respirer. Le retour de cette dernière, endogène ou exogène, n'est pas crédible, car "elle" ne manque pas à ces sociétés modernes.

Sceptique

*Christiane Taubira, Garde des sceaux, s'est exprimée très clairement, hier soir, sur ce sujet. Elle a affirmé qu'il n'y aurait aucune modification des termes pour les couples hétérosexuels. Ceux de "père", et "mère" seront conservés. Il y aura donc un livret de famille spécial pour les couples homosexuels, avec ces fameuses mentions de "parent 1", et "parent2". Par ailleurs, elle a rappelé que la Constitution ne prévoyait pas la possibilité d'un Référendum pour un tel sujet. Le débat réclamé par les opposants se passera au Parlement.

 

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Commentaires
S
Merci pour votre visite et votre commentaire. Il me semble que le sujet a eu sa part dans la campagne électorale, que son refus a été formulé par Sarkozy, Copé, et quelques autres ténors de la campagne. À qui cette proposition de François Hollande était-elle destinée? Peut-être plus à la communauté homosexuelle qu'à la masse des électeurs de Gauche.<br /> <br /> Malgré mes propres réserves, malgré son aspect de hochet, ou de marionnette diabolique, je n'en ai pas fait "un fromage", car, comme d'autres réformes de la société qui heurtent "l'ordre divin" bi-millénaire, la pression de tous ceux qui "voient midi à leur porte", remodèle petit à petit, la société, dans tout notre monde moderne.<br /> <br /> Il y a bien d'autres difficultés bien réelles, qui ne bénéficient pas de la même facilité du "dites seulement une parole" .
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J
Je crois que je me suis bel et bien passionné pour ce sujet... et je me suis demandé pourquoi puisque je ne suis ni professionnellement (n'étant ni parlementaire, ni jusriste, ni notaire, ni psy, ni spécialiste de l'enfance...) ni dans ma vie personnelle dierctement concerné par ces affaires de MPT, de PMA et de GPA.<br /> <br /> Sans doute suis-je cependant troublé par tout ce qui est en l'espèce ébranlé en matière de filiation, de génération de transmission et en particulier de langage, comme vous avez fort bien fait de le souligner.<br /> <br /> Mais plus encore, par l'impression que tout s'est passé comme si la cause avait été éviemment entendue avant même d'être débattue (elle n'était franchement pas au coeur des débats électoraux) comme si une partie de l'opinion avait fonctionné par syllogisme (ce mariage pour tous est un progrès, la gauche est pour le progrès, vous êtes de gauche donc vous êtes favorable au mariage pour tous,) sans s'émouvoir des incohérences, dont cette différenciation des livrets de famille... corrélée à une revendication de droits identiques... donne un exemple parlant!<br /> <br /> Depuis longtemps méfiant devant le "politiquement correct" je me demlandais parfois comment une affaire Lyssenko et une démission du sens critique et de la liberté de pensée avaient pu être possible: je commence à comprendre aujourd'hui comment!
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S
Quand on observe attentivement les mots qui parlent de l'enfant, on se rend compte qu'en aucune circonstance un enfant n'est vu comme un sujet. Pour les femmes, l'enfant a longtemps été une obligation, un devoir. Il est devenu un désir, un droit.<br /> <br /> J'ai écrit un billet E comme Enfant, pour le blog moderne.canalblog.com (l'abécédaire des sociétés modernes)-> lien sur mon blog. C'est tout en le rédigeant que je me suis rendu compte de ce statut "normal", de l'enfant. Le législateur met sous le vocable "droit de l'enfant", les devoirs envers l'enfant. Bien nécessaires!
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C
La société évolue, c'est évident, mais je reste assez dubitatif sur cette évolution-ci et carrément dubitatif sur l'adoption. Ce que je reproche à cette possibilité, c'est qu'elle consacre "le droit à l'enfant" : puisque les couples homosexuels (masculins )ont un désir d'enfant, ils y ont droit. Or c'est là inverser complètement la fameuse formule "tout enfant a droit à une famille". Bien sûr, les couples homosexuels féminins peuvent recourir à une fécondation in-vitro et ne s'en privent pas, mais essayent aussi parfois de recourir à l'adoption (dans le temps en adoption individuelle, et d'ailleurs cela arrive encore aujourd'hui).<br /> <br /> Depuis le changement de loi en Belgique, le nombre de couples homosexuels ayant adopté est extrêmement faible (je ne parle pas des adoptions d'un enfant précédent du partenaire), et l'adoption transnationale est virtuellement inimaginable (à l'exception d'un cas parafaitement scandaleux aux Pays-Bas où un service d'adoption a été quasiment contraint par son autorité centrale de travailler avec un véritable pourvoyeur d'enfants aux USA, travaillant d'une manière absolument opaque et à des prix hallucinants), aucun pays d'origine n'acceptant cette idée, même l'Afrique du Sud (où l'adoption par des conjoints de même sexe est cependant légale).
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S
Il faut se rassurer, une telle formulation ne peut échapper à la critique. C'est "une satisfaction hallucinatoire du désir", comme disent les psys!
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Sceptique
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