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Sceptique
10 janvier 2014

DIEUDONNÉ, VALLS, LE BRAS DE FER.

Hier après-midi, c'est par "La Presse", de Québec, que j'ai appris que le Tribunal Administratif de Nantes avait "retoqué" la circulaire du Ministre de l'Intérieur, demandant aux préfets d'interdire le spectacle de Dieudonné. Le même quotidien, dans sa version numérique, indiquait que le Ministre avait fait appel auprès du Conseil d'État, "en référé", procédure exceptionnelle.

Quand j'ouvris mon téléviseur pour le "5 à 7" de LCI, je fus surpris par le choix de "l'Édition Spéciale" par Michel Field, et son organisation "à chaud" d'un débat de diverses personnalités sur les développements de l'affaire Dieudonné.

Malgré la condamnation unanime des propos de Dieudonné par les intervenants, la majorité d'entre eux ne donnait pas cher de l'action entreprise par le Ministre de l'Intérieur. Le premier acte du Tribunal Administratif, prévisible à partir des principes de la liberté d'expression et de la jurisprudence accumulée depuis les années 30 du dernier siècle, ne pourrait être suivi que par des semblables. La sanction des propos condamnables de Dieudonné, même attendus, puisque éléments d'un spectacle, "vendu" à des spectateurs, ne pouvaient être poursuivis qu'après leur prononciation vérifiée. La circulaire de Manuel Valls s'appuyait sur les propos répétitifs,  constatés lors de représentations précédentes, et condamnables en regard des lois qui répriment l'antisémitisme, et l'apologie des crimes contre l'humanité. Ces derniers sont qualifiés d'atteintes à la dignité de la personne. L'intention, contractuelle, de prononcer ces propos à l'occasion des spectacles à venir, justifiait, en droit pénal, l'interdiction préalable. L'avis du Conseil d'État l'emporterait sur ceux des Tribunaux administratifs à compétence locale

Il faut noter que les condamnations pour ces faits, infligées à Dieudonné, étaient régulières et nombreuses. Elles consistaient en des amendes, lourdes, mais l'humoriste avait organisé son insolvabilité, ses gains étant versés à une entreprise dont il n'était pas un actionnaire, ni même, un salarié. Le délit d'insolvabilité organisée existe, mais sa poursuite est compliquée. 

La première partie du débat fut donc unanime sur la probabilité d'un désaveu de Manuel Valls, et la division ne portait que sur la personne du Ministre: il garderait l'estime et la solidarité de ceux qui admiraient son courage de bousculer "l'ordre établi", il aurait droit au "c'est bien fait pour lui", de ceux qui ne voyaient dans sa tentative qu'une manière de se mettre en scène.

La décision du Conseil d'État, tombée autour de 18 heures, infirmant la décision du Tribunal Administratif de Nantes, confirmant la légitimité de l'interdiction, régla la question. Le Ministre avait eu raison, le spectacle était interdit, et courait de grands risques de l'être de nouveau.

Cette évolution dans l'interprétation de la loi est importante. La liberté d'expression et de création artistique ne pourront plus être un refuge inexpugnable. Le respect des consciences pourra être invoqué là où il ne l'était pas encore. Est-ce bon, est-ce mauvais? Comme l'évolution de notre société, ou le "retour de son refoulé", se traduisent par un surcroit de haine, d'exclusion, cette répression du mépris, même enrobé d'humour, ne sera pas inutile. Les sentiments ne peuvent être interdits. L'expression de leur variante négative (haine, mépris, irrespect) doit pouvoir être poursuivie et sanctionnée. Mais celle de leur variante positive ne doit pas, évidemment, devenir obligatoire! 

Comme je l'ai souvent rappelé, un de nos traits nationaux est de ne pas être indifférents. Soit positivement, soit négativement. L'analyse de nos emballements doit être permise.

Sceptique

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Commentaires
S
J'ai une difficulté à comprendre votre commentaire, et j'espérais m'aider en lisant les articles du blog dont vous donniez un lien, mais il semble avoir été fermé.
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V
Affaire Dieudonné/État français<br /> <br /> <br /> <br /> 1. Les antifascistes du dimanche<br /> <br /> <br /> <br /> Tombe, tout à coup, galopant, se propageant sur les ondes non-avares de sensations parce qu'avides d'équilibre, une nouvelle : Dieudonné est, pour résumer l'opinion dominante, un nègre marron. Comme un écho répondant à l'avocat marron du peuple, qu'a pris une claque, reconduit dans ses pénates.<br /> <br /> <br /> <br /> 2. Le spectacle français heureux de son interdiction<br /> <br /> <br /> <br /> Tous les procès d'intention, adressés au comique extrême, accusé d'avoir élevé, dans le paysage, une sorte de « mur de la honte », -mais honte à qui exactement, vu que ce mur est miroir sans tain, la transparence y est à sens unique-, ne changeront pas le fait que ce dernier des derniers, parmi la confrérie des humoristes, loin de se singulariser, autrement que par le « matériau » qu'il charrie, participe pleinement, et cela jusqu'au bout, jusqu'à l'intolérable, du point de vue de la conscience européenne la plus paradoxale, qui brûle toujours ce qu'elle adore, d'un état d'esprit général qui a gagné tous les coins et recoins de la société française et plus spécifiquement de sa vie sociale et politique.<br /> <br /> <br /> <br /> (deux articles à lire sur 1847.overblog.com)
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P
Comment va donc être désormais utilisée par nos tribunaux la notion de "dignité humaine"? Autant cette notion me semble pertinente moralement, autant elle me parait dangereuse juridiquement dès lors que le droit doit nous permettre de savoir clairement ce qui est autorisé et ce qui est interdit.
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Sceptique
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