DÉLINQUANCE, ISLAM, ET PRISON.
Je viens de lire l'article important que Monsieur Farhad Khoroskavar a donné au Point, et publié dans sa lettre de la mi-journée. Le sociologue établit un bilan sombre, pessimiste, de la présence majoritaire de délinquants musulmans d'âges divers, certains, malades mentaux, dans des maisons d'arrêt surpeuplés, insuffisamment pourvues en personnel.
Naturellement les détenus musulmans forment une communauté solidaire, qui ne favorise pas l'autocritique individuelle, mais plutôt la crispation identitaire, et un sentiment de révolte contre le personnel pénitentiaire, surmené et dépassé. Leur taux d'absentéisme par over-dose de difficultés quotidiennes est énorme.
Sur ce terrain propice, la prédication salafiste pratiquée par des détenus radicalisés se diffuse naturellement. Elle justifie la résistance, une désobéissance systématique aux règlements de la prison, et une lutte permanente entre les détenus et les gardiens au sujet des objets interdits, comme les téléphones et les substituts d'armes blanches.
Notre auteur dénonce le nombre de malades mentaux incarcérés, interprétant cette fréquence comme le choix délibéré d'une neutralisation moins coûteuse*.
Sa conclusion est que la prison est une mauvaise solution. Qui en douterait?
Mais par quelle autre pourrait-elle être remplacée? Qui croit encore que la prison est punitive et stimulante d'une révolution interne, aboutissant à l'honnêteté, au renoncement à la facilité de la délinquance?
La prison protège ceux qui sont dehors de ceux qui sont dedans. Dont quelques uns, au bout de quelques séjours, entrecoupés de moments de libertés occupés à récidiver, finissent par se calmer, mûrir, et se ranger parmi les gens "normaux".
Nous n'en avons plus d'autre. Les peines encourues pour la délinquance ordinaire sont trop courtes pour justifier le transfert en centrale. Les hôtes des maisons d'arrêt n'ont que quelques mois ou années pour retrouver la liberté, y compris celle de recommencer, et de jouer au chat et à la souris avec la police. La sévérité instaurée en 2007 a été abolie en 2012. Les peines de prison itératives, mais raccourcies, semblent avoir pour effet d'endurcir les délinquants, de leur faire considérer leur envie de recommencer comme une saine révolte. Progressivement transformée en sentiment de persécution, qu'une radicalisation sanctifie.
Ce phénomène divise profondément notre société. Considérant que la prison ne sert à rien, la gauche a tendance à proposer de la remplacer....par rien! Et la droite se fait la porte parole exclusive des victimes. Elle réclame et programme une augmentaton conséquente du nombre et de la capacité du système pénitentiaire. À raison d'une alternance tous les cinq ans, ça ne va pas vite, le retard se creuse.
À propos de raison, c'est justement ce qui manque dans le débat politique. Les passions sont plus nobles, plus excitantes, et..., sans effet!
Le phénomène qui a produit plusieurs générations de jeunes magrébins tombés dans la délinquance, l'éducation confiée à la rue, tend à se résorber. Les parents, pères et mères, ont pris conscience de l'échec fappant spécifiquement les garçons. Les enfants des deux sexes sont maintenant tenus, confiés à l'école, la "libre", s'il le faut, et protégés de l'influence de la rue. Le résultat n'est pas encore très visible, surtout parce que de part et d'autre, on se met les mains sur les yeux. Mais la leçon a été retenue et n'est pas contestée.
Mais en attendant les évolutions "naturelles" dues aux changements des mentalités, la société doit contenir la délinquance, en protéger le habitants. Les bonnes paroles, et les méchantes (pour les victimes) ne font qu'aggraver le clivage et le rejet.
Les paroles des responsables politiques ont changé. L'angélisme perd des adeptes, mais les actes prennent du retard faute de moyens. Les bêtises en économie ont des effets secondaires indésirables.
Les partisans de la sévérité, se confondant avec ceux d'un vrai redressement économique, vont reprendre le pouvoir dans quelques mois. Il faudra qu'ils agissent vite et bien sur les deux parties de notre problème, l'économie et la sécurité. Ils feront forcément des mécontents.
Sceptique
*Non seulement la psychiatrie a perdu beaucoup de moyens, mais elle fait l'objet, depuis quelques années, d'un déni culturel. Elle n'est tout simplement pas sollicitée. L'anti-psychiatrie est une maladie épidémique.